Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/224

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de Penom-Penh remontèrent jusqu’à Udong pour protéger la fuite de leurs compatriotes établis sur ce point, puis une fois réunis, il descendirent le fleuve et passèrent en Cochinchine. Le roi donna des ordres pour arrêter la marche des Thiâmes, mais toute la population cambodgienne, mandarins en tête, s’était enfuie dans les bois à la seule nouvelle du soulèvement.

Outre l’intérêt que les malheurs de ce pauvre peuple inspirent, leur conduite, quand tout fuyait devant eux, et que Udong, Pinhalù et Penom-Penh étaient sans un seul défenseur, fut des plus nobles.

« Nous n’en voulons pas au peuple, disaient-ils sur leur passage ; qu’on nous laisse partir et nous respecterons les propriétés ; mais nous massacrerons quiconque cherchera à s’opposer à notre fuite. » Et, de fait, ils ne touchèrent pas même à une seule des larges embarcations qui étaient amarrées sans gardiens près des marchés, et ils s’abandonnèrent au fleuve dans leurs étroites et misérables pirogues.

En passant devant l’Île de Ko-Sutin, nous nous y arrêtâmes pour voir le P. Cordier. Ce pauvre missionnaire était dans le plus triste état ; sa maladie s’était aggravée, et ce n’était qu’avec peine qu’il pouvait se traîner de son lit à sa chaise. Cependant il était là, sans secours, n’ayant que du riz et du poisson sec pour toute nourriture. Deux enfants d’une dizaine d’années étaient seuls pour le soigner et le servir. Nous le priâmes de venir à Pinhalù avec nous, mais il refusa à cause de son état de faiblesse. « Tout ce que je regrette, disait-il, ce sont mes pauvres parents que je ne reverrai plus ; je vois