Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/286

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D’ailleurs et avant tout, notre principal objet, c’est l’histoire naturelle ; c’est de son étude que nous nous occupons spécialement. Ces essais archéologiques, ébauchés devant la flamme du bivac, sont ce que nous appellerions volontiers nos délassements, le repos du corps après les fatigues de l’esprit ; tout au plus avons-nous l’ambition de trouver grâce pour eux, si toutefois ces lignes sont appelées à voir le jour, auprès de ceux qui aiment à suivre du fond de leur cabinet, ou dans les veillées de famille, le pauvre voyageur qui, souvent dans l’unique but d’être utile à ses semblables, de découvrir un insecte, une plante, un animal inconnu, ou de vérifier un point de latitude d’une contrée éloignée, traverse les mers, sacrifie sa famille, son confort, sa santé et trop souvent sa vie.

Mais il est bien doux pour le zélateur fidèle de la bonne mère des êtres et des choses de penser qu’il n’a pas passé en vain ici-bas, que ses travaux, ses fatigues, ses dangers porteront leur fruit et serviront à d’autres, sinon à lui-même. L’étude de la terre a ses jouissances que peuvent seuls apprécier ceux qui les ont savourées, et nous avouons sincèrement que nous n’avons jamais été plus heureux qu’au sein de cette belle et grandiose nature tropicale, au milieu de ces forêts, dont la voix des animaux sauvages et le chant des oiseaux troublent seuls le solennel silence. Ah ! dussé-je laisser ma vie dans ces solitudes, je les préfère à toutes les joies, à tous les plaisirs bruyants de ces salons du monde civilisé, où l’homme qui pense et qui sent se trouve si souvent seul.