Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/302

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Nous descendions de la montagne juste au moment de l’arrivée du roi, qui commençait à la gravir. Quoique venu dans ce palais de plaisance pour deux jours seulement, des centaines d’esclaves le devançaient, portant une quantité innombrable de coffrets, de boîtes, de paniers, etc. Un troupeau de soldats en désordre précédaient et suivaient Sa Majesté, affublés des plus singuliers et des plus ridicules costumes qu’il soit possible d’imaginer. L’empereur Soulouque lui-même en eût probablement ri, car à coup sûr sa vieille garde devait avoir un air plus glorieux que celle de son confrère des Indes orientales : c’était un assortiment de déguenillés incroyable, dont rien ne peut donner une idée meilleure que les singes habillés qu’on voit si souvent danser sur les orgues des Savoyards. Ils étaient vêtus d’habits d’un grossier drap rouge, imitant la coupe de l’armée anglaise, toujours trop larges ou trop étroits, trop longs ou trop courts, mais laissant voir une partie du corps nu, et ils portaient, en outre, des shakos blancs et des pantalons omnicolores. Quant à des souliers, c’est un luxe dont peu usaient ; jamais suite de prince ne mérita mieux la qualification de va-nu-pieds.

Quelques chefs, d’une tenue en rapport avec celle de leurs hommes, étaient à cheval, conduisant cette bande de guerriers, tandis que le roi avançait lentement dans une petite calèche attelée d’un poney, mais soulevée et portée en même temps par des esclaves bipèdes.

J’ai visité plusieurs des monts détachés de la grande chaîne Khao-Deng, qui n’est qu’à quelques