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se plaisent, moyennant une juste rétribution, à faire profiter de leur science pratique leur parenté et leurs amis. — Oh ! Molière ! tu n’as pas écrit uniquement pour ton siècle et tes compatriotes, mais pour tous les temps et pour tous les pays !…

Si à tant d’avantages, déjà énumérés, on ajoute le casuel toujours très-productif, surtout aux funérailles et à cette cérémonie de la tonte du toupet qui est pour le Siamois adolescent ce qu’est la première communion pour l’Européen, et ce qu’était pour le jeune Romain la prise de la robe virile ; si, en outre, l’on tient compte du droit que possèdent les phras d’hériter, de tester et d’acquérir, en dehors du contrôle ordinaire des lois, on concevra facilement comment cet ordre de mendiants se compose, pour le seul royaume de Siam, de plus de cent mille frères bien nourris, et de plusieurs milliers de vicaires, provicaires, légats, prieurs et princes-abbés[1], jouissant de l’existence la plus confortable et des positions les plus sûres que puisse offrir l’ordre social siamois.

On ne peut donc s’étonner que les Siamois vivent dans le respect de l’habit jaune et dans la persuasion qu’en le revêtant on acquiert de grands mérites, non-seulement personnels, mais même applicables aux âmes des ancêtres. Aussi n’est-il pas de bon bourgeois qui n’exige de son fils d’entrer dans la sainte congrégation, du moins pour quelque temps. Rien n’est plus facile, du reste. Les rangs des

  1. Voici, rangés dans le même ordre, les titres siamois correspondants : Chao-Khun-Samu, Chao-Khun-Balat, Raxa-Khâna, Somdet-Chao, et enfin Sang-Karat.