Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/43

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onze heures du soir et se termine à deux heures après minuit.

En quatre heures bien employées, on peut faire bien des choses utiles ; mais celles-ci se passent presque toujours en conversations étrangères aux motifs qui ont provoqué le conseil. Phra-Bard-Somdetch-Mongkut rappelle, par plus d’un point, Jacques Ier d’Angleterre. Sexagénaire, il a plus d’érudition que de sérieux dans l’esprit, plus de faconde que de logique dans le raisonnement ; sans aucune idée arrêtée sur quoi que ce soit, il a le jugement d’un enfant dans le corps d’un vieillard. Persuadé que son règne fera époque, il veut tout organiser, tout régénérer dans son royaume, et ne trouve ni en lui ni autour de lui un point d’appui pour ses desseins mal digérés. En tout pays, ce serait un savant véritable, nulle part un véritable roi.

Il a fait dresser ses soldats à l’européenne ; il a fait creuser des canaux, bâtir des forteresses, ouvrir des routes, construire des navires, commander des bateaux à vapeur ; bien plus, il a fondé à Bangkok une imprimerie royale et a accordé la liberté de l’enseignement religieux aux diverses nations qui vivent sous sa domination. Tout cela, c’est beaucoup pour un roi d’Orient. Ses intentions sont évidemment bonnes et lui font honneur ; mais le champ qu’il veut féconder est resté tant de siècles en jachère que sa culture fatiguerait un plus rude laboureur que Phra-Somdetch-Mongkut : aussi se contente-t-il d’ordonner et passe son temps à étudier le pali et les vieux livres canoniques, et laisse assez généralement les rênes de l’État et l’exécution de