Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/57

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Entre les deux rois et le peuple, s’étagent douze ordres différents de princes, ni plus ni moins, plusieurs classes de ministres, cinq ou six de mandarins, puis, pour les quarante et une provinces du royaume, une série sans fin de gouverneurs et sous-gouverneurs, dont l’incapacité et les rapines dépassent tout ce qu’on peut imaginer en ce genre et semblent vouloir justifier le missionnaire Brugière, qui prétend que le mot siamois sarenival, que nous traduisons par celui de gouverner, signifie littéralement dévorer le peuple. Les fonctionnaires sont payés d’une manière insuffisante, mal contrôlés et jamais surveillés ; la conséquence est facile à saisir, ils sont tous concussionnaires ; le roi le sait et ferme les yeux, soit à cause du trop grand nombre de coupables qu’il faudrait punir, ou bien parce que de telles affaires ne valent pas la peine d’absorber un seul de ses instants. Les provinces sont des vaches à lait pour les gouverneurs, qui leur font rendre tout ce qu’elles, peuvent donner. Le menu peuple est divisé à Siam en esclaves, gens corvéables et gens payant le tribut. Que le tribut entre dans les coffres du roi, le reste lui importe peu. Les mandarins peuvent le prélever et le prélèvent plutôt trois fois qu’une. Les mandarins ont-ils besoin de faire bâtir une maison, la main-d’œuvre ne leur coûte rien : ils requièrent le peuple de la construire ; le rotin est là pour assurer l’activité du travail. Les provinces ; et la capitale fourniront les matériaux ; la maison du voisin même y pourvoira ; au besoin, on la démolira ; rien n’est plus facile. Un mandarin désire-t-il votre fille pour en faire l’ornement de son harem, ou votre fils pour en re-