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lade à ton tour.

— Vous me soignerez, dit Édouard, en souriant.

Ah ! quelle bonne chose de vous voir tous bien, ton père, Marie-Louise et toi, dit madame Leblanc.

— J’espère que ça va être comme ça pendant longtemps.

— Tu as fini, dit Marie-Louise ?

— Oui ; je te remercie.

Monsieur et madame Leblanc avaient leur chambre en bas.

Édouard leur souhaita le bonsoir, embrassa sa mère ; et Marie-Louise monta avec lui, à sa chambre, pour voir à ce que rien ne lui manquât.

Pendant qu’il accrochait son paletot et son chapeau, et qu’il défaisait son bagage, elle vérifiait s’il y avait des serviettes, de l’eau et du savon, et préparait son lit.

— Tu n’auras pas froid ? il n’y a que deux couvertes.

— C’est bien assez ; je te remercie.

— Tu dois être horriblement fatigué ?

— Un peu.

— Si tu savais comme j’ai eu peur, la nuit dernière, lui dit-elle, d’un ton de confidence, en se rapprochant de lui : je n’ai pas voulu te raconter cela devant papa ; mais c’était effrayant de le voir. Maman pensait qu’il allait mourir et moi je pleurais — sans faire de bruit, pour ne pas réveiller les enfants. Nous avons fait lever notre bonne Catherine et elle nous a bien aidées : c’est elle qui est allée chercher le médecin et le prêtre.

— C’était donc bien grave.

— Je ne sais pas ce que c’était. Le docteur nous a dit que c’était peut-être une indigestion. En tous cas, c’est absolument passé, à l’heure qu’il est : le docteur est venu, après le souper, et il a trouvé papa très bien.

— C’est curieux ; et ça peut-il revenir ?

— Non ; il croit que c’est un pur accident, qui n’est pas susceptible de se répéter.

— Allons, tant mieux !

Il demeura songeur, quelques instants ; puis ses traits se détendirent ; et c’est d’un ton presque gai et l’air tranquillisé qu’il demanda à Marie-Louise : si tu me menais voir les enfants, avant que je me couche ?

Ils y allèrent ; il embrassa les petits dormeurs, puis dit bonsoir à Marie-Louise.

— Bonsoir, mon petit frère.

Il regagna sa chambre, acheva de se déshabiller, souffla sa lumière ; et, harassé, brisé, anéanti mais heureux, il s’endormit, tout de suite, profondément.


Il entendit des cris et des rires d’enfants, éprouva une sensation lumineuse et ouvrit les yeux au grand soleil qui pénétrait dans sa chambre par trois fenêtres à la fois.

De son lit, avec l’acuité particulière aux sens reposés par un bon sommeil, il entendait et distinguait tous les bruits de la maison.

Un instant, la voix de son père se fit entendre ; puis, une porte s’ouvrit et se referma. M. Leblanc était sorti.

Il resta encore quelques minutes immobile dans la chaude et reposante masse du lit, en proie à un engourdissement délicieux, laissant errer ses yeux sur les grands murs blancs.

Allons ! il faut se lever.

Un saut hors du lit, et Édouard fut à sa toilette.

Quand il eut fait quelques pas, une voix fraîche lui cria, d’en bas : as-tu bien dormi ?

— Oui. Toi ?

— Très bien, merci. Sais-tu quelle heure il est ?

— Non.