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des espérances analogues aux étudiants.

L’étudiant a de plus, en face de lui, une responsabilité exceptionnelle à envisager : il va devenir le mandataire de ses clients, le soutien des faibles et, quelquefois, le conseiller des familles.

Toutes ces considérations sérieuses et graves, Édouard les avait agitées débattues et résolues. À cette heure, il s’occupait uniquement de travailler pour parvenir où il tendait et devenir digne par son savoir des tâches qu’il aurait à entreprendre et capable des responsabilités à assumer.

Il travaillait de plus en plus et se refusait toute distraction ; il ne sortait que dans les occasions où il lui était impossible de faire autrement. Il ne revenait à la vie extérieure qu’à l’heure des cours, par les conversations avec ses camarades et la lecture des journaux. Les lettres qu’il recevait de la maison lui étaient aussi très précieuses.

Justement, ce matin-là, le facteur lui en avait apporté une de son père.

M. Leblanc aimait qu’Édouard lui donnât souvent de ses nouvelles, mais il écrivait rarement, lui-même. — Seulement que dans les grandes occasions, comme disait Édouard.

Aussi fut-il surpris d’apercevoir l’écriture de son père, sur une missive très volumineuse.

Il décacheta : deux lettres tombèrent de l’enveloppe. L’une était de Marie-Louise. Il prit d’abord celle de son père.

Saint-Germain, 25 octobre 190… Mon cher Édouard,

Je t’écris pour que tu ne t’alarmes pas au sujet des suites possibles de mon accident du quinze courant. Je ne m’en ressens absolument plus et je vais de mieux en mieux.

Ta mère est bien et me charge de te faire ses amitiés.

Marie-Louise te donnera les nouvelles de la maison.

Il a neigé ici, pour la première fois, mais comme les travaux sont finis, cela ne nuira en rien.

J’ai été très satisfait de ce que tu dis de tes études.

Les candidatures pointent déjà, pour les prochaines élections municipales ; je ne crois pas que je m’en occupe, cette année : c’est au tour des jeunes maintenant. À quand le tien ?

Dépêche-toi de te faire recevoir avocat.

J’approuve la sagesse de ta décision de ne pas descendre aux fêtes, mais de revenir après avoir été reçu seulement. Je comprends que les derniers jours de préparation sont précieux et que, de Noël au deuxième mardi de janvier, jour où tu subiras ton examen devant le Barreau, tu préfères travailler.

N’étudie pas jusqu’au dernier jour, cependant ; repose-toi, une couple de jours, pour être en état de passer ton examen comme il faut.

Maintenant, mon cher Édouard, je sais que les accidents arrivent à tout le monde, même à ceux qui ont beaucoup étudié et qui sont bien préparés. Dis-toi donc que, quoi qu’il arrive, tu seras le bien venu à la maison et que s’il t’arrivait un malheur, nous en profiterions pour te garder plus longtemps avec nous et que nous ne songerions pas à nous en plaindre.

Écris-moi aussi souvent que tes occupations te le permettront.

Ton père.
E. Leblanc.

Marie-Louise, elle, écrivait :


Cher Édouard,

C’est le grand ménage, aujourd’hui ; la maison est sens dessus dessous.