Page:Mousseau - Les Vermoulures.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 48 —

tapis.

De le voir marcher, sur la route, peuplait un peu ce paysage d’hiver, où rien ne vivait.

Dans le village, il rencontra le notaire Roy, un confrère et un vieil ami de son père.

— Bonjour Édouard.

— Bonjour, monsieur Roy.

— Ça va un peu mieux ?

— Il le faut bien.

— Et chez vous ?

— Tous sont aussi bien que possible.

— J’espère que ça ira encore mieux. À propos, tu sais, sans doute, que c’est chez moi que ton pauvre père avait déposé son testament.

— On m’a dit cela.

— Quand tu voudras en prendre connaissance….

— J’en connais la substance…

— Je me mets à votre disposition pour tout, ne l’oublie pas, et dis-le à madame Leblanc : je serai heureux de veiller sur vos affaires, en attendant que tu aies le temps de t’en occuper toi-même ; ça me fera extrêmement plaisir de faire cela en souvenir de mon vieil ami.

— Merci, monsieur Roy ; au revoir.

— Au revoir.

Édouard continua son chemin, ému de la sympathie que lui montrait chacun et retrouvant à chaque pas des souvenirs de son père et la preuve de ses grandes qualités, dans le nombre de sincères amis qu’il avait laissés.

À quelques pas du village et descendant la route qui y conduit, il vit venir une jeune fille.

C’était Blanche Coutu.

Elle revenait de s’acquitter d’une commission, un paquet sous le bras, et s’en retournait chez elle.

Blanche Coutu, dont on a dû deviner les qualités de cœur et d’esprit, à l’amitié que Marie-Louise avait pour elle et à l’estime où elle la tenait, comme aussi au dévouement et à la sympathie qu’elle avait témoignés à Marie-Louise, dans ces derniers temps, était âgée de vingt-trois ans. Elle était brune, de taille moyenne et bien prise. Ses yeux brun foncé semblaient généralement noirs, sous la masse noire de ses cheveux. Elle avait l’air très sérieux — presque trop — et posée. Mais quand elle souriait, la tête en arrière, montrant les délicieuses attaches de son cou, l’émail de ses dents faisant risette au soleil, elle était d’une jeunesse irrésistible et la teinte brune de ses yeux devenait chatoyante et chaude comme une caresse. — C’est ce que trouva Édouard.

Il hésitait à l’aborder. Elle le tira d’embarras en lui parlant la première : bonjour, monsieur Leblanc.

— Bonjour, mademoiselle.

— Comment est Marie-Louise ?

— Bien, mademoiselle ; je vous remercie.

— Vous vous promenez ?

— Comme vous voyez ; je prends l’air. Vous aussi, mademoiselle ?

Oh ! moi, je suis sortie par affaire, dit-elle, en souriant.

Tout en parlant, elle avait continué à marcher. Édouard l’avait suivie, et ils se trouvèrent se promenant côte à côte.

Voulez-vous me permettre, dit-il, en désignant le paquet qu’elle portait ?

— Volontiers.

Et elle le lui confia, avec cet air de faire une faveur qu’ont les jeunes filles, quand elles acceptent les services de leurs concitoyens.

N’est-ce pas qu’il fait très beau, mademoiselle ? dit Édouard, désireux de ne pas laisser tomber la conversation, et pourtant incapable de montrer grand entrain.

Blanche comprit ce qu’il ressentait et eut pitié de son embarras.

Elle le fit parler, le questionna et