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te leur science sur le papier. Ils répondaient brièvement aux questions des étudiants, soit pour les renseigner, soit pour leur dire qu’ils ne le pouvaient pas, quand la question en était une à laquelle l’élève devait trouver la réponse lui-même. L’un des examinateurs, cependant, s’arrêtait quelque fois devant un élève plus en peine que les autres, et, pour ne pas lui voir ronger plus longtemps son manche de plume, il lui soufflait un bout de réponse.

Assis loin les uns des autres, dans la grande salle lumineuse, les étudiants ne chômaient pas : ceux qui savaient ne suffisaient pas à tout écrire, et ceux qui ne savaient pas ne suffisaient pas, hélas, à chercher.

Quelques-uns étaient allés, avant l’examen, à Notre-Dame-de-Lourdes et y avaient allumé des cierges qui brûleraient pendant qu’ils travailleraient ; d’autres, trouvant leur confiance ailleurs, trompaient la surveillance des examinateurs et devenaient, à l’aide de leurs livres de véritables puits de science.

C’était une ressource suprême dont Édouard n’eût pas voulu.

L’étudiant qui passait son examen près de lui, lui demanda la réponse à une question. Qu’on le blâme si l’on veut, mais Édouard la lui dit, se gardant bien, par exemple, d’écrire autre chose que ce qu’il savait par lui-même. Cette première séance prit fin ; Ricard et Édouard se hâtèrent de s’éloigner pour aller dîner avant la seconde, qui commençait à deux heures.

Une lettre de Marie-Louise attendait Édouard, lettre qui ne pouvait mieux arriver, pour le distraire et l’encourager.

Marie-Louise écrivait :
Cher Édouard,

La maison, qui était si vide, hélas, au jour de l’An, s’est encore agrandie, depuis ton départ. Hâte-toi de revenir, cher avocat : ta présence est, maintenant, celle que nous aimons le mieux.

Comment vont les examens ? S’ils marchent comme nous te le souhaitons, tu n’auras pas grand’misère.

Veux-tu me dire ce que tu as fait à Blanche ? Elle est toute triste depuis que tu es parti. Il faudra que tu répares cela, quand tu reviendras.

Maman est presque bien maintenant : elle va tous les jours à l’église et je l’accompagne. Nous prions pour papa et pour le succès de tes examens.

Tu ne nous quitteras plus quand tu seras reçu, et nous serons peut-être encore un petit peu heureux, grâce à toi. Nous aimerons tant maman et nous en aurons si bien soin, que sa douleur s’adoucira.

Mais ce ne sera jamais comme avant.

Pardonne-moi de ne pas t’avoir parlé uniquement de tes examens : ils doivent te tenir tant à cœur.

Passe-les bien et reviens vite, pour que nous nous aimions, tous ensemble.

Ta petite sœur qui t’aime et qui t’embrasse bien fort,

Marie-Louise.

Édouard passa par chez Ricard ; et tous deux se trouvaient à l’Université à deux heures.

Les autres étudiants étaient aussi rendus ; mais, à la grande surprise de tous, on ne commençait pas.

Chez les examinateurs, grand émoi ; allées et venues précipitées et consultations mystérieuses.

Qu’est-ce qu’il y a donc, se demandait-on ?

L’appariteur passa.

Allez-vous bientôt ouvrir la salle de l’examen, lui demanda-t-on ?

— Tout à l’heure : les examinateurs sont occupés.

— Mais est-ce que leur tâche ne devrait pas être de nous examiner ?