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Page:Mousseau - Les Vermoulures.djvu/59

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Il était à genoux devant elle.

Il la conduisit à un siège ; et là, courbé vers elle, il la consola comme une enfant, mettant du soleil dans son chagrin et faisant venir le sourire à ses lèvres, qui tremblaient tellement encore qu’elle en faisait pitié, la pauvrette.

Ce sont des moments délicieux et ineffables comme celui-là qui nous font, plus tard, regretter notre jeunesse.

Il lui parlait tout doucement, faisant passer dans son amour toute la force et la caresse de sa jeunesse pure.

Sans jamais l’avoir appris, il savait parler d’amour ; et Blanche croyait rêver.

Ils dirent tout : lui, son besoin d’amour et d’affection, et son désir de se consacrer à son bonheur ; elle, sa tendresse timide et lointaine, et les trésors de dévouement qu’elle voulait prodiguer pour lui.

Longtemps ils se parlèrent ainsi ; ils se promirent de s’aimer toujours, de s’écrire et de se revoir le plus tôt possible.


CHAPITRE XVII.

L’orientation


Saint-Germain 25 janvier 190…

Mon cher Édouard,

J’ose à peine vous nommer et pourtant je ne puis m’empêcher de vous crier que je vous aime.

Ah ! que je vous aime ! et je vous aimerai toujours plus, toujours, toujours.

Je pense sans cesse à vous. Je sens vos mains se poser sur les miennes, j’entends vos paroles de tendresse et d’amour et surtout, surtout, je vois vos yeux, Édouard, vos yeux bleus, dans les miens, et j’en éprouve une indicible douceur.

Je vous sais assez généreux pour ne pas vous étonner de me voir écrire la première : je voulais que ce fût mon souvenir qui vous accueillit le premier à Montréal ; et puis,… je vous aime tant.

Je n’ai parlé de rien à personne, ni à Marie-Louise, ni à papa, ni à maman, qui en seraient pourtant bien heureux, je le sais : je garde tout pour moi et je savoure mon bonheur en secret.

Il faudra pourtant que je parle bientôt, car je serais vite devinée : je suis trop heureuse pour que ça ne paraisse pas.

Je vous redis encore, Édouard, que vous avez tout l’amour de votre petite,

Blanche.

Édouard était retourné à son ancienne chambre, 720 G., Saint-Denis, et c’est là qu’il trouva cette lettre, en revenant du bureau, sa journée faite.

Il la décacheta avec émotion : il tenait enfin à la main, une preuve tangible de la réalité du beau rêve d’amour qu’il avait fait à Saint-Germain et de la constance de celle qui était entrée en reine dans sa vie.

Alors il lut et relut longuement, répétant chaque phrase jusqu’à ce qu’il la sût par cœur. Mais, alors même il continua de relire, contemplant avec ivresse l’écriture aimée.

Il éprouvait une joie profonde ; tout son être se tendait vers celle qui la lui procurait, pour la bénir et la remercier.

Désormais la vie lui apparaissait radieuse ; toutes les adversités lui devenaient légères et tous les travaux faciles.

Aux cœurs nobles, l’amour est une grande force et un puissant stimulant : la montée de la vie est aisée avec cette force et celle de la jeunesse.

Après les épreuves qu’il venait de traverser et en face de la tâche qui se présentait à lui de se frayer un che-