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juillet et Édouard lui demanda comment marchait la préparation.

— Assez bien, dit Lavoie.

— Si mes livres et mes résumés peuvent t’être utiles, tu sais….

— Merci. J’irai toujours te voir, en tous cas. Où as-tu ta chambre, maintenant ?

— Toujours à la même place. Viens n’importe quand : tu ne me dérangeras jamais.

Ils se quittèrent.

Rentré chez lui, Édouard écrivit à Ricard : Mon cher Ricard,

Dans une de tes lettres, tu m’annonçais ton arrivée prochaine à Montréal.

Quand tu y viendras, mon cher, tu m’y trouveras rendu et installé, en qualité de junior partner, chez Langlois & Alarie.

Tu vas en être étonné : tu me croyais encore bien paisiblement au sein de ma famille éprouvée.

Mais tu ne seras pas plus étonné que je l’ai été moi-même. Quoique la chose m’ait pris absolument par surprise, je me suis arraché de ma famille ; on me faisait la proposition : je l’ai acceptée.

Ma mère a généreusement fait son sacrifice et m’a laissé partir. Dieu sait que je ne demandais pas mieux que de lui sacrifier quelques espérances, moi ; mais elle m’a persuadé d’accepter et j’ai, quoiqu’avec peine, suivi son conseil.

Il arrive un moment dans les familles où le foyer s’éteint et où tous les membres s’éparpillent, allant chacun de son côté, jusqu’à ce que de nouveaux foyers — la mort et le renouveau se succédant toujours — aient été formés.

Tu ne sais pas ce que c’est que de s’éloigner au moment où l’œuvre de destruction commence et quand on voudrait rester pour jouir encore un peu de la famille, avant que cette œuvre de destruction ne soit achevée et que ce bonheur puisse bien être remplacé par un autre, mais ne puisse plus renaître, lui.

Mais, on ne peut malheureusement pas se conduire uniquement d’après les sentiments.

J’aurai bien des choses à te raconter ; j’en ai surtout une à te confier, que tu ne pourrais jamais deviner, j’en suis certain.

Je mène une vie des plus paisibles. Je travaille et… je retravaille.

MM. Langlois & Alarie sont de parfaits gentilshommes et je m’entends très bien avec eux.

Ils ont l’air satisfaits de moi, de leur côté. Puisse cette réciprocité de sentiments se continuer.

Arrive au plus vite. J’ai hâte de reprendre nos grandes conversations et nos discussions à perte de vue — mais jamais à perte d’idée.

Tout à toi.
Ton ami,
Édouard Leblanc.

CHAPITRE XVIII.

Les débuts


Édouard est dans sa chambre, à lire ; de temps à autre, il s’interrompt, réfléchit aux pages lues, puis en tourne d’autres.

Ses yeux vont et viennent d’une ligne à l’autre et se ferment quelquefois, pour apercevoir alors une vision à charmante tête brune, qui lui sourit et qui ressemble à Blanche.

Un moment il s’interrompt plus longuement et pense aux incidents de sa journée, qui a été pas mal accidentée.

Pour le commun des mortels, l’avocat est un être assis dans un grand fauteuil, qui fume un bon cigare, donne des consultations qu’il fait