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il s’informa de Blanche.

— Elle est très bien, dit Marie-Louise : et elle t’attend. Nous irons la voir aussitôt après déjeuner. — Si tu es capable d’attendre jusque là, ajouta-t-elle malicieusement.

Pour toute réponse, il l’embrassa ; et on se mit à table.

Il songeait qu’il allait voir, tout à l’heure, celle qu’il aimait ; et Marie-Louise, qui devinait bien son impatience, ne fut pas lente à lui dire : viens-tu ?

Il dit bonjour à sa mère et ils partirent pour chez Coutu, ou un petit cœur battait bien fort à la pensée de celui qu’elle allait revoir.

Édouard non plus n’était pas très maître de lui. — Il y a, chez ces grands garçons de vingt-cinq ans, sérieux et travailleurs, des sentiments d’une tendresse étonnante et d’une délicatesse exquise.

Bonjour, monsieur Édouard, lui dit-elle, en rougissant de plaisir, — n’osant l’appeler par son nom.

Mais il osa, lui : bonjour, ma petite Blanche.

Il l’attira à lui et ils se donnèrent un chaste et long baiser.

Alors, revenus de leur trouble et tout entiers au bonheur de se retrouver, ils s’assirent, tous deux, Marie-Louise entre eux, sur le grand divan du salon ; et, la main dans la main, ils causèrent gaiement, s’étonnant de s’aimer autant et de pouvoir se le témoigner sans plus d’embarras.

C’est qu’il ne leur était pas possible, non plus, d’être timides : leurs yeux francs et clairs écartant toute arrière-pensée et leur donnant confiance absolue l’un envers l’autre.

La bonne avant-midi qu’ils passèrent là, avec Marie-Louise comme témoin de leur bonheur.

Elle rayonnait, cette chère Marie-Louise, et n’eût pas donné ces moments pour beaucoup ; elle oubliait complètement qu’elle aussi était à l’âge de l’amour et elle ignorait qu’elle était ravissante. — Ne se trouverait-il personne pour l’en faire souvenir ?

L’emploi des journées fut promptement organisé : Marie-Louise, Édouard et Blanche étaient toujours ensemble. Giroux les rejoignait souvent et ils faisaient de charmantes parties carrées, Édouard accompagnant sa fiancée et Giroux marchant auprès de Louise, avec laquelle il semblait au mieux.

Que ceux qui ont vécu se rappellent leurs belles journées d’amour et de soleil ; et, quand ce souvenir se lèvera dans leur cœur vieilli et plein de regret, la pensée du bonheur des autres leur sera une consolation.

Autant Édouard éprouvait de satisfaction à se retrouver dans son village, autant les habitants de Saint-Germain semblaient avoir de plaisir à le revoir. Pour eux, c’était « le garçon du père Leblanc ; » et c’était tout dire. Ils en étaient fiers et ils l’aimaient : ils s’enorgueillissaient des succès qu’il remportait en Ville, lui un enfant du Village, et ils l’aimaient pour son air gai et bon enfant et pour sa franche cordialité. Quand il passait par le village, il disait bonjour à tout le monde et il avait une manière à lui de plaire. Il se sentait en famille, au milieu de tous ces braves gens, et leur parlait avec un amical sans-façon qui les ravissait.

Giroux, en voyant sa popularité, disait, en plaisantant, qu’il serait député avant un an.

Édouard lui répondait qu’il ne serait probablement pas député, mais qu’il viendrait certainement faire la lutte électorale dans le comté pour le candidat de son parti.

Il était bien heureux que les élections s’annonçassent prochaines : cela lui fournirait l’occasion de revoir Blan-