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Page:Muchart - Les Balcons sur la mer, 1901.djvu/6

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Mais l’ombre — peu à peu — gagne la pièce noire, Où la fenêtre seule est pleine de couchant ; Et songeant à la vie étroite, au sort méchant, A cet humble labeur dans la lumière avare,

Le vieux pauvre — qui fut un hardi matelot, Qui chevaucha la mer aux crinières de houle, Qui vit les quais joyeux de soleil et de foule, Les pays du Levant et le rire des flots —

Seul, maintenant, dans son logis où ne persiste Qu’un reflet attardé dans l’ombre d’un miroir, Le vieux pauvre se sent triste à mourir, ce soir, Devant le petit port aride aux barques tristes.

— Pourtant, comme s’abîme au loin le soleil blond, C’est le féerique crépuscule qui s’allume Et le ciel pourpre, un peu pastellisé de brume, Tranche en losanges clairs dans le noir du balcon.

Le matelot s’accoude au bois en découpures, Comme jadis au pont des navires ailés, Qui remplissaient leur voile aux grands vents alizés Et dessinaient les fins cordages des mâtures.

Il rêve de la Grèce et du clair Archipel Des nuits de quart pendant les fraîches traversées, Dans les senteurs de mer et de goudron mêlées … Et son balcon à l’air d’un navire du ciel.