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comme les anciens. » L’armée se montra satisfaite de cette courte et si énergique allocution ; mais les populations indigènes, considérant la défaite d’Aboukir comme un retour prochain de la fortune en leur faveur, s’occupèrent dès lors des moyens de secouer le joug odieux que des étrangers s’efforçaient de leur imposer, et de les chasser de leur pays. Ce projet eut bientôt un commencement d’exécution.

Cependant Bonaparte, aussi bon politique qu’habile général, se comporte en Égypte comme s’il en était le souverain absolu : placé sous un pavillon, il préside à la fête du Nil ; c’est lui qui donne le signal de jeter dans les flots la statue de la fiancée du fleuve, son nom et celui de Mahomet sont confondus dans les mêmes acclamations ; par ses ordres, on fait des largesses au peuple, il donne le caftan aux principaux officiers.

Peu de temps après arriva l’anniversaire de la naissance du prophète ; cette solennité fut célébrée avec la plus grande pompe. Bonaparte dirigea lui-même les évolutions militaires qui eurent lieu en cette occasion ; il parut à la fête et chez le cheik vêtu à l’orientale, le turban en tête ! c’est à cette occasion que le divan le qualifia du titre d’’’Ali-Bonaparte’’. Vers la même époque, il fit prendre des mesures sévères pour la protection de la caravane des pèlerins qui se rendait à La Mecque ; à ce sujet, il écrivit lui-même une lettre au shérif de cette ville.

Néanmoins les populations, nullement convaincues de la sincérité de toutes ces tentatives de conciliation, se révoltaient sans cesse. Le prélèvement des impôts devenus nécessaires pour subvenir aux besoins de l’armée, et surtout le fanatisme religieux, les animaient d’une haine implacable contre les Français. Les attaques imprévues, le poignard, tous les moyens étaient licites pour exterminer ces infidèles venus de l’Occident ; les exécutions militaires ne faisaient qu’exaspérer ces fureurs loin de les éteindre ; les Français, enfin, n’étaient véritablement les maîtres que du terrain qu’ils avaient sous leurs pieds.

Le 22 septembre 1798 amena l’anniversaire de la fondation de la République. Bonaparte fit célébrer cette fête avec toute la magnificence possible. Par ses ordres, un cirque immense fut construit dans la plus grande place du Caire ; 105 colonnes, sur chacune desquelles flottait un drapeau portant le nom d’un département, décoraient cette construction, dont un obélisque colossal, chargé d’inscriptions, occupait le centre ; sur sept autels antiques se lisaient les noms des braves morts au champ d’honneur. On entrait dans l’enceinte en passant sous un arc de triomphe, sur lequel était représentée la bataille des Pyramides. Il y avait là un peu de maladresse : si cette peinture flattait l’orgueil de nos soldats, elle devait faire éprouver des sentiments pénibles aux Égyptiens vaincus, et dont on s’efforçait, mais en vain, de faire des alliés fidèles.

Le jour de cette fête, le général en chef adresse une allocution aux soldats, dans laquelle, après avoir fait l’énumération de leurs exploits depuis le siège do Toulon, il leur disait : « Depuis l’Anglais, célèbre dans les arts et le commerce, jusqu’au hideux et féroce Bédouin, vous fixez les regards du monde. Soldats, votre destinée est belle… Dans ce jour, 40 millions de citoyens célèbrent l’ère du gouvernement représentatif, 40 millions de citoyens pensent à vous. »

Les hommes puissants et que la fortune favorise trouvent des flatteurs partout, même parmi leurs plus cruels ennemis. On chantait dans la grande mosquée du Caire : « Réjouissez-vous, ô fils des