Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, I.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

indépendance, il serait toujours prêt à faire le sacrifice qui lui serait demandé.

« Cette généreuse explication eût satisfait des hommes sincèrement attachés au salut de la patrie et à leurs serments de fidélité jurée au prince ; mais, loin de calmer les têtes furibondes, elles fermentèrent davantage ; les meneurs s’agitaient tellement en tous sens, que déjà il était question de prononcer la déchéance. Quel prestige trompeur ou quelles promesses de nos ennemis fascinaient les yeux de ces hommes qui se croyaient l’élite des citoyens !

« L’Empereur fut averti de ce qui se passait ; indigné de la violence qu’on voulait lui faire, il rejeta d’abord toutes les instances qui lui furent renouvelées. Cependant, cédant aux conseils de ses ministres, de ses frères et de quelques-uns de ses serviteurs, il consentit à abdiquer plutôt que de se mettre à la tête de son armée, qui se formait devant Paris, forte déjà de 80.000 hommes, et qui, inquiète de son Empereur, l’appelait à grands cris.

« Fouché eut ordre d’écrire à la Chambre qu’elle allait être satisfaite ; et Lucien écrivit, sous la dictée de l’Empereur, la déclaration suivante :


Déclaration au peuple français13.


« Français ! en commençant la guerre pour soutenir l’indépendance nationale, je comptais sur la réunion de tous les efforts, de toutes les volontés, et le concours de toutes les autorités nationales. J’étais fondé à en espérer le succès, et j’avais bravé toutes les déclarations des puissances contre moi. Les circonstances paraissent changées. Je m’offre en sacrifice à la haine des ennemis de la France ; puissent-ils être sincères dans leurs déclarations, et n’en avoir jamais voulu qu’à ma personne ! Ma vie politique est terminée, et je proclame mon fils sous le titre de Napoléon II, empereur des Français. Les ministres actuels formeront provisoirement le conseil de gouvernement. L’intérêt que je porte à mon fils, m’engage à inviter les Chambres à organiser sans délai la Régence par une loi. Unissez-vous tous pour le salut public, et pour rester une nation indépendante14. »

« Cette déclaration fut entendue dans le plus grand calme : il régna ensuite un profond silence : l’Assemblée semblait se recueillir, et rendre par là hommage au prince qui venait de se résigner. La Chambre arrêta à l’unanimité qu’une députation solennelle porterait à l’Empereur, au nom de la nation, l’expression du respect et de la reconnaissance avec lesquels elle acceptait le noble sacrifice qu’il avait fait à l’indépendance et au bonheur du peuple français.

« Napoléon répondit avec dignité :

« Je vous remercie des sentiments que vous m’exprimez ; je désire que mon abdication puisse faire le bonheur de la France, mais je ne l’espère pas ; elle laisse l’État sans chef, sans existence politique. Le temps perdu à renverser la monarchie aurait pu être employé à mettre la France en état d’écraser