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sur ses lèvres la dernière goutte d’eau-de-vie qu’il possédait. Ses yeux s’étant entr’ouverts, le brave grenadier courut au bivouac, y prit une brouette, l’y coucha en travers et le rapporta au camp. Ce fut un regret de tous les instants de la vie du général de Boisserolle de n’avoir pu retrouver l’homme qui lui avait sauvé la vie. Malheureusement cette vie devait être désormais bien douloureuse, puisqu’il avait eu les pieds gelés. Aussi ne put-il assister à la désastreuse journée de Waterloo, -où la gloire française sembla rendre le dernier soupir ; et. quand Louis XVIII, en lui envoyant la croix de Saint-Louis, voulut lui confier le commandement du dépôt du Calvados, auquel Napoléon l’avait précédemment appelé, il dut répondre à cette haute faveur par la demande de sa retraite, qu’il obtint le 9 septembre 1815.

De 1815 au l*r février 1829, époque de sa mort, le général de Boisserolle se livra avec une ardeur juvénile à l’étude d’une langue qui avait été la passion constante de sa vie, pendant les courts loisirs que lui laissèrent toutes les campagnes auxquelles il prit part. Il fit une grammaire et un dictionnaire sanscrit. Ce travail fabuleux fut le résultat de la connaissance approfondie qu’il avait, non-seulement des langues européennes vivantes, mais de toutes les langues mortes. Un secrétaire infidèle’fit ’disparaître, à la mort du général, un ou-’ vrage auquel il ne semblait pas que la vie d’un homme pût suffire. Les deux ouvrages ont été publiés à l’étranger, sous un autre nom que celui de l’auteur.

M. le général de Boisserolle tenait, par sa famille, à toutes les illustrations de l’époque ; on y comptait les Lauris-ton, Boncelot, La Fare, Genestons, etc., etc. Il ne s’en prévalut jamais que pour rendre service à ses amis à qui sa bourse

fut toujours ouverte. Aussi, tandis que tant d’autres généraux achetaient des domaines, où ils allaient se reposer des fatigues de la guerre, il était réduit à traduire les ouvrages des économistes anglais, pour améliorer sa modique retraite ; il ne lui restait rien d’un beau. patrimoine.

Très - spirituel et penseur profond, M. de Boisserolle. possédait surtout cette amabilité que l’on a qualifiée d’amabilité française ; il cherchait toujours à s’eiïacer. Son goût pour la poésie et sa facilité à faire des vers ne l’empêchèrent pas d’avoir des connaissances très-étendues en mathématiques. Il avait inventé une voiture qui marchait avec rapidité, au moyen d’un mécanisme ingénieux qu’un enfant pouvait faire mouvoir. Il avait l’intention d’offrir à l’Empereur ce chef-d’œuvre ; "mais" c’était à l’époque de la machine infernale ; la politique absorbait tous les esprits, les inventeurs étaient considérés comme des utopistes. Fulton lui-même fut repoussé et dut porter aux États-Unis ses admirables secrets. Les amis de M. de Boisserolle, parmi lesquels était le prince Eugène, l’engagèrent d’attendre des circonstances plus favorables.

Imbu dans sa jeunesse des doctrines de d’Alembert, Diderot, Rousseau, Voltaire, etc., l’expérience des hommes et des choses le conduisit, sur la fin de sa vie, à revenir sincèrement aux sentiments d’un philosophe chrétien.

BON (Louis-André)

né à Romans en Dauphiné, le 25 octobre 1758, s’enrôla fort jeune dans le régiment Royal-Infanterie, et fit une partie de la guerre d’Amérique. — Commandant d’un bataillon de volontaires nationaux en 1792, il alla rejoindre Dugommier sur les frontières d’Espagne, fut bientôt chef de brigade, donna des preuves d’un grand courage