Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, II.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

autres, et dit : Oui, je comprends ; il faudrait la prendre.

« — Eh bien? reprit Murât.

« — Eh bien! répondit Lamarque, on la prendra. Voilà tout.

« — Et quand cela? demanda Murât.

« — Demain, si votre majesté le veut.

« — A la bonne heure, dit le roi, voilà une de ces réponses comme je les aime. Et combien d’hommes vèux-tu ?

a — Combien sont-ils? demanda Lamarque.

« — Deux mille, à peu près.

« — Eh bien! que votre majesté me donne 15 à 1,800 hommes; qu’elle me permette de les choisir parmi ceux que je lui amène: ils me connaissent; je les connais. Nous nous ferons tous tuer jusqu’au dernier, ou nous prendrons l’île.

« Murât, pour toute réponse, tendit la main à Lamarque. C’était ce qu’il aurait dit étant général; c’était ce qu’il était prêt à faire étant roi. Puis tous deux se séparèrent, Lamarque pour choisir ses hommes, Murât pour réunir les embarcations.

« Dès le lendemain, 4 octobre 1808, tout était prêt, soldats et vaisseaux. Dans la soirée, l’expédition sortit de la rade. Quelque précaution qu’on eût prise pour garder le secret, le secret s’était répandu: toute la ville était sur le port, saluant de la voix cette petite flotte. qui partait gaîment et pleine d’insouciante confiance pour accomplir une chose que l’on regardait comme impossible.

« Bientôt le vent, favorable d’abord, commença de faiblir: la petite flotte n’avait pas fait dix milles qu’il tomba tout à fait. On marcha à la rame; mais la rame est lente, et le jour parut que l’on était encore à deux lieues de Caprée. Alors, comme s’il avait fallu lutter encore contre toutes les impossibilités, vint la tempête. Les flots se brisèrent avec tant de violence contre les rochers à pic qui entourent l’île, qu’il n’y eût pas moyen, pendant toute la matinée de s’en approcher. A deux heures la mer se calma. A trois heures les premiers coups de canon furent échangés entre les bombardes napolitaines et les batteries du port; les cris des 400,000 âmes, répandues depuis Mergellina jusqu’à Portici, leur répondirent.

« En effet, c’était un merveilleux spectacle que le nouveau roi donnait à sa nouvelle capitale: lui-même, avec une longue vue, se tenait sur la terrasse du palais. Des embarcations on voyait toute cette foule étagée aux différents gradins de l’immense cirque dont la mer était l’arène. César, Auguste, Néron, n’avaient donné à leurs sujets que des chasses, des luttes de gladiateurs ou des naumachies, Murât donnait aux siens une véritable bataille.

« La mer était revenue tranquille comme un lac. Lamarque laissa ses bombardes et ses chaloupes canonnières aux prises avec les batteries du fort, et avec ses embarcations de soldats il longea l’île: partout des rochers à pic baignaient dans l’eau leurs murailles gigantesques ; nulle part un point où aborder. La flottille fit le tour de l’île sans reconnaître un endroit où mettre le pied. Un corps de 1,200 Anglais, suivant des yeux tous ses mouvements, faisait le tour en même temps qu’elle.

« Un moment on crut que tout était fini et qu’il faudrait retourner à Naples sans rien entreprendre. Les soldats offraient d’attaquer le fort; mais Lamarque secoua la tête: c’était une tentative insensée. En conséquence, il donna l’ordre de faire une seconde fois le tour de l’île, pour voir si l’on ne trouverait pas quelque point abordable et qui eût échappé au premier regard.

« Il y avait dans un rentrant, au pied du fort Sainte-Barbe, un endroit où le