Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, II.djvu/387

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

en a tout au plus 5.000 : total général 50.000 combattants. Un tel état de choses peut-il inspirer une bien haute confiance ? Les résultats qu’il est permis de se promettre valent-ils les chances auxquelles on s’expose ?

« Mais déjà tout ce que prévoyait, tout ce que redoutait le maréchal avait eu lieu. Arrivés le 10 dans la nuit à Ulm, les Autrichiens avaient passé le Danube le 11 au matin, et s’étaient répandus comme un torrent sur nos communications. Dupont faisait son mouvement. On s’était de part et d’autre trouvé inopinément en présence ; de part et d’autre on s’était vivement engagé. La disproportion des forces eût rendu le feu meurtrier. On avait joint l’ennemi à la baïonnette, on avait porté le désordre dans ses rangs ; mais une colonne n’était pas rompue qu’elle était remplacée par une autre. Baraguay, qui devait appuyer la division, ne paraissait point. Seul aux prises avec une armée entière, Dupont ne put contenir les colonnes qui couvraient la plaine, et les Autrichiens, tout meurtris des coups dont il les avait frappés, continuèrent leur mouvement. Werneck marcha sur Heydenheim, Riesck se dirigea avec une colonne nombreuse sur Elchingen. Cette position était pour ainsi dire abandonnée, il s’en empare, s’y établit, et fait aussitôt toutes les dispositions que la circonstance exige. Il désorganise le pont, brise les travées, mine les pilotis, ne laisse qu’un étroit passage pour éclairer la rive droite. Six pièces de canon, des troupes nombreuses sont placées sur l’avenue ; la défense en parait assurée. Ces mesures néanmoins ne suffisent pas encore. On s’établit dans les jardins, on se retranche dans le château, le couvent, la chapelle. Il n’y a pas un mur dont on ne fasse un appui, pas un détour dont on ne profite, pas un obstacle dont on ne tire avantage.

« Le maréchal venait d’acheminer sa seconde division sur le Roth. Il reçut à la fois l’ordre de gagner le Leiben et de reporter Dupont sur Albeck. L’Empereur avait jugé comme lui de l’importance qu’avait la rive gauche. Il avait vivement blâmé le projet de dégarnir, d’abandonner les hauteurs qui commandent le fleuve. Le maréchal chargeait la première division de les réoccuper, lorsqu’il apprend le rude combat qu’elle a soutenu et les dispositions que fait le général Riesch. Il pousse aussitôt la troisième division à la suite de la deuxième, et court de sa personne joindre les colonnes que conduit Loison. Il les atteint le 13 à sept heures du soir. À huit heures il se remet en marche et se présente le 14, au point du jour, devant Elchingen. Elchingen est située sur un plateau d’où ses édifices, ses jardins, se prolongent jusqu’aux bords du fleuve. À droite est une forêt qui touche au Danube ; à gauche, des villages, des bouquets de bois ; en face, un terrain coupé qui se termine à pic à soixante toises au-dessus du courant. Vue de la rive droite, Elchingen apparaît comme un château-fort que couvrent de formidables ouvrages, que défend une armée nombreuse, et auquel on n’arrive qu’après avoir franchi un fleuve qui semble à lui seul une barrière insurmontable. On se dispose néanmoins à l’aborder ; on marche au pont, on assemble quelques planches, on essaie de les ajuster. L’artillerie tonnait avec force ; les soldats perdent bientôt patience et laissent là ces longs apprêts. Ils vont droit à l’ennemi qui les foudroie, s’élancent de poutrelle en poutrelle, enlèvent les pièces, culbutent les colonnes chargées de les défendre. Le passage dès lors est assuré. On se presse, on se heurte, on débouche en masse sur la rive gauche. Le terrain ne présente pour se déployer qu’une prairie étroite. On