Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, II.djvu/551

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y avait 250 prisonniers. La Confiance fut expédiée en chasse d’un Danois qui avait assisté au spectacle, et on les mit à bord. — Quelques jours après on entendit crier : terre ! et c’était l’île de France.

La fortune de Surcouf commençait à grandir. Cependant la plus grande partie lui était contestée par la loi. Il avait armé en course sans autorisation à sa première croisière ; aussi quand il avait atterri avec le Triton, on avait confisqué sa prise. Cependant les autorités de l’île de France consultèrent le Directoire qui, voulant récompenser la bravoure du jeune corsaire, proposa au Corps législatif de lui décerner, à titre de don national, la valeur de ses prises qu’on avait vendues au profit de la colonie ; il reçut 700.000 francs.

Il revint alors en France, et M. B… le trouvant assez riche, il épousa celle pour l’amour de laquelle il avait pris une carrière aussi aventureuse. Il pouvait vivre heureux à Saint-Malo ; mais un marin ne renonce pas si aisément à la mer. Surcouf, armateur et capitaine, fit de nouvelles campagnes, heureuses comme les précédentes. Le nom de l’intrépide corsaire était devenu la terreur du commerce anglais dans les parages de l’Inde, et le gouvernement anglais avait cru devoir renforcer de plusieurs frégates sa station dans ces mers ; mais en 1813, Surcouf fut chargé de conduire en France le Charles, vieille frégate, qu’il avait achetée au gouvernement et armée en flûte. Elle portait un très-riche chargement. Il échappa par son sang-froid et l’habileté de ses manœuvres aux croisières anglaises et manqua de se perdre en entrant à Saint-Malo ; mais son frère, excellent marin et son second, sauva le navire.

Surcouf consacra la dernière partie de sa vie à des spéculations commerciales, qui furent pour lui une nouvelle source de richesses. On croit qu’il laissa en mourant plus de 3 millions de fortune. Surcouf est le seul capitaine européen qui ait osé naviguer avec des équipages entièrement composés de Lascars, hommes aussi dangereux pour ceux qui les emploient que pour ceux contre qui on les emploie. — Son sang-froid, son énergie imposèrent aux Malais et les dévouèrent à sa personne.

Surcouf est mort en 1827 dans une maison de campagne qu’il possédait près de Saint-Servan, et fut inhumé à Saint-Malo.


SUWAROW (Russie)

Masson, dans ses mémoires secrets sur la cour de Russie, a dit de Suwarow : « C’était un monstre renfermant, dans un corps de singe, l’âme d’un chien de boucher. » Un pareil jugement est sévère, mais Masson n’était ni militaire, ni homme d’État, et la sentence fulminée par l’annaliste des cours de Catherine II et de Paul Ier, n’empêchera pas le nom de Suwarow de rester au nombre de ceux des guerriers les plus illustres du dix-huitième siècle.

Suwarow n’était ni stratégiste ni tacticien, mais il avait les qualités les plus essentielles aux grands capitaines ; il comprenait bien le caractère des hommes qu’il avait à commander et avait trouvé le secret de leur faire faire de grandes choses. STUPAI I BE, en avant et frappe ! Avec ses mots Suwarow battait cent mille Turcs, enlevait Ismaïlow ou Praga.

Suwarow ou Souwarow Rimniski ou Rimnitskoï est né en 1730, à Suskoï, petite ville de l’Ukraine. Fils d’un officier supérieur distingué, il fut élevé à Saint-Pétersbourg, à l’école des Cadets. Entré au service à l’âge de 13 ans, il était colonel à 22, après avoir passé par tous les grades inférieurs. Les campagnes de 1769 à 1772, qui précédèrent le premier démembrement de la Pologne, lui valurent le grade de général major et la décoration de l’ordre d’Alexandre Newski.

Rappelé en Prusse, après la guerre de Pologne, dans