Page:Mullié - Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, II.djvu/559

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avait pour lui un prix inestimable ; ses diamants lui venaient de l’impératrice et ils étaient de glorieuses conquêtes. Cet amour pour Catherine était un amour de dévouement filial. Suwarow était trop laid pour avoir jamais espéré faire partager à sa souveraine, au cœur facile, un sentiment plus tendre ; Catherine, comme disait Napoléon, était une maîtresse femme, tout à fait digne d’avoir de la barbe au menton ; elle faisait tout trembler autour d’elle, et supportait sans impatience les brusqueries du feld-maréchal qui lui disait durement la vérité, et dont la rude franchise contrastait singulièrement avec les plates adulations dont l’environnaient les amants à gage choisis par Potemkin.

L’Empereur Alexandre, aussitôt son avènement au trône, rendit à Suwarow la justice que Paul Ier, son père, lui avait refusée. Il lui fit élever une statue, et tous les anciens compagnons d’armes du feld-maréchal furent appelés à l’inauguration de ce monument. Le grand duc Constantin, qui participait un peu de la nature de Suwarow, prononça publiquement, en présence des troupes assemblées, l’éloge du vieux guerrier ; tous les corps de l’armée, en défilant devant la statue, lui rendirent les honneurs militaires que le feld-maréchal recevait de son vivant.

Marié assez jeune, Suwarow avait aimé sa femme à l’idolâtrie : elle exerçait sur lui un empire absolu. Sa faiblesse pour son fils était également extrême ; il l’avait destiné de bonne heure à la carrière des armes, mais il ne voulut jamais, dans ses campagnes, l’avoir auprès de lui. Ce fils, jeune militaire d’une grande espérance, brave, généreux, humain, était parvenu au grade de général major d’infanterie. Il avait épousé, ainsi que nous l’avons dit plus haut, une jeune et belle princesse de la Courlande, alliance illustre qui semblait lui promettre le plus brillant avenir. Mais, en 1811, se rendant de Bucharest à Jassy, et traversant la rivière de Rimniski, alors débordée, il y périt misérablement. Une singulière fatalité voulut que le jeune Suwarow se noyât dans cette même rivière sur le bord de laquelle son père avait remporté une de ses plus fameuses victoires, et à laquelle il avait dû son surnom de Rimniskoï ou Rimniski.

Comme général, Suwarow n’a pas fait faire un pas à l’art militaire en Russie ; contemporain du grand Frédéric, il n’avait rien appris ; la guerre qu’il fit était la guerre primitive, la guerre sans manœuvres ; en présence d’un adversaire habile, et à moins d’une supériorité numérique incontestable comme en Italie, Suwarow eût infailliblement succombé. Depuis Suwarow, la Russie n’a pas fait de grands progrès dans l’art de la guerre : elle a d’immenses armées, une artillerie formidable, et avec ses ressources puissantes, il lui a fallu deux campagnes pour triompher de la Turquie, et deux années pour écraser 40.000 Polonais. C’est toujours le même système, la guerre à coups d’hommes. La Russie n’a pas gagné un pouce de terrain. La Russie est une puissance à soldats et non pas une puissance militaire.


TRELLIARD (Anne-François-Charles), comte

Né à Parme (Italie) le 9 février 1764, entra au service comme cadet-gentilhomme le 6 novembre 1780. Sous-lieutenant en 1781 au 6e de dragons, lieutenant en second le 28 avril 1788, lieutenant surnuméraire à la formation du 4 mai suivant, lieutenant à la formation du 1er mars 1791, il passa avec le même grade au 3e régiment de chasseurs le 25