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Cependant, plus que tous autres, les artistes originaires du département de la Loire étaient sûrs d’obtenir son appui.

Que de fois il allait surprendre dans son atelier le médailleur Georges Dupré, son compatriote, premier prix de Rome qui, avec une grâce athénienne, burinait dans le style de son maître Roty d’exquises plaquettes et continuait d’une main délicate les traditions des graveurs stéphanois : Augustin Dupré, son homonyme ; Rambert Dumarest, André Galle, Louis Jaley, la dynastie des Montagny, Louis Merley.

D’ailleurs, aucune manifestation d’art ne laissait Thiollier indifférent ; il s’associait à tous les efforts vers l’idéal et recherchait la compagnie des êtres dépouillés de la banalité du siècle.

À ce titre, il se plaisait aux entretiens d’un saint religieux, le Père Jean Bulliot, fils du savant Gabriel Bulliot. Son corps maigre, sa longue tête émaciée semblaient avoir été modelés par l’Espagnol Alonzo Cano.

Le Père Bulliot professait à l’Institut catholique les pures doctrines de saint Thomas d’Aquin et, candide comme l’abbé Lacuria, cultivait l’astrologie. Félix Thiollier retrouvait en lui l’image de son vieux professeur.

Si l’on songe que tant de relations n’entravaient pas son travail quotidien et l’accomplissement de ses devoirs de membre de comités artistiques, on n’est pas surpris de ses lamentations sur la brièveté des heures parisiennes.

Pourtant il trouvait encore le loisir de fréquenter l’hôtel Drouot dont il connaissait les habitués, et où, à force de ténacité, il arrachait aux enchères des tableaux de valeur.

Sa collection lentement formée avec un goût presqu’infaillible, sans parti pris, se compose des principaux maîtres de l’École française contemporaine, y compris les impressionnistes. Son but, en la constituant, n’était pas l’ostentation, mais le désir de ne point effacer les visions d’art accumulées depuis sa jeunesse et d’offrir un aliment à sa mémoire.

Il lisait beaucoup. Les chroniques artistiques de Théophile Gautier et de Baudelaire, Les maîtres d’autrefois, de Fromentin, étaient ses livres de chevet.

La pure spéculation répugnait, il est vrai, à son sens des réalités pratiques. Aussi utilisait-il ses forces à l’exécution