Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/100

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voyageur à côté de vous… le cou que vous étiez forcé de tendre si longtemps à gauche, parce que l’eau dégouttait à droite… tout cela vous donne, à la longue, des torticolis, des crampes au mollet, ou des maux de genoux.

Je crois salutaire de changer parfois de place, de compagnons, et de voiture de voyage. Alors on peut tourner le cou à droite et à gauche ; on remue son genou comme on l’entend ; et il peut vous arriver d’avoir pour voisine une demoiselle avec des souliers de bal, ou pour voisin un petit garçon dont les jambes ne touchent pas à terre. Dans ce cas, vous avez plus de chances pour y voir clair et pour marcher droit, en remettant le pied sur la terre ferme.

Dans la voiture qui s’arrêta devant la tente, j’ignore si quelque chose s’opposait à une solution de continuité, mais toujours est-il qu’un temps fort long s’écoula avant que rien en sortît. On aurait dit une lutte de politesse : „s’il vous plaît, madame !” et : „à vous, monsieur le préfet !”

Enfin, un monsieur descendit. Son maintien et son extérieur rappelaient les sauriens en question. Comme nous le reverrons je vous dirai simplement que son immobilité ne devait pas être uniquement attribuée à son incorporation dans la voiture, car même en rase campagne il déployait un calme, une lenteur et une prudence à rendre jaloux un vrai Saurien ; toutes choses qui sont, aux yeux de beaucoup de gens les signes caractéristiques de la gravité, de la modération, et de la sagesse. Il était très pâle, comme la plupart des Européens aux Indes, ce qui dans ces contrées n’est aucunement pris pour un signe de mauvaise santé, et ses traits fins dénotaient l’intelligence, seulement son regard avait quelque chose de froid,