Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

possession des biens qui devaient lui revenir. Mais cette orpheline intéressante était sa femme, ces biens lui revenaient à lui aussi ; il trouva vil et dégradant d’aller demander au nom de sa femme : dites donc, vous autres, est-ce qu’on ne me doit pas encore quelque chose ?

Mais ce rêve doré, ce rêve de millionnaire lui servit de prétexte, toutes les fois qu’il se livra à des dépenses excessives. Ce ne fut qu’au moment de retourner à Java, après avoir beaucoup souffert de sa gêne, après s’être vu forcé de courber sa tête altière devant les conditions humiliantes de maint créancier, qu’il mit le pied sur son indolence ou sur ses scrupules, et qu’il s’occupa de ces millions de famille. Il s’enquit et demanda si on ne lui redevait rien. On lui envoya, pour toute réponse, un solde de tout compte, approuvé et inattaquable.

Enfin ! Ils devaient être si économes à Lebac ! Et pourquoi ne le seraient-ils pas ? Dans un pays, si peu civilisé, il n’y a pas, le soir, de filles qui courent les rues pour vendre un reste d’honneur au prix d’un morceau de pain ; il n’y a pas de chevaliers d’industrie. Les fortunes des commerçants ne sombrent pas contre des écueils invisibles ou contre des tempêtes de misère imprévue.

Ce fut contre ces écueils, dans ces bas fonds, qu’échouèrent autrefois les bonnes intentions de Havelaar. Le nombre des Européens était minime dans la régence de Lebac ; et les Javanais y étaient trop pauvres pour subir une fortune contraire. Ils ne pouvaient devenir intéressants par plus de pauvreté.

Tine ne réfléchit pas à tout cela.

Pour le faire, elle aurait dû se rendre compte exactement, plus exactement que son amour pour