Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

veut éprouver. Aux pauvres il envoie celui, qui parle sa parole, pour qu’ils se redressent dans leur misère.

» N’envoie-t-il pas la pluie où sèche le brin d’herbe ?

» La goutte de rosée ne tombe-t-elle pas dans le calice de la fleur qui a soif ?

» Et n’est-il pas beau d’être envoyé à la recherche des travailleurs que la fatigue a semés le long du chemin, affaissés, brisés, sans force pour remonter vers le lieu du salaire ! Ne dois-je pas me réjouir de pouvoir tendre la main à celui qui est tombé au fond du précipice, de prêter mon bâton à celui qui ne peut monter la montagne tout seul.

» Ô joie ! Me voir choisi entre mille, pour changer des plaintes en prières, et des pleurs en actions de grâces !

» Oui, je suis plein de joie d’être nommé à Bantan-Kidoul.

» J’ai dit à la femme qui partage mes soucis et qui double mon bonheur :

— Réjouis-toi, car je vois que Dieu laisse tomber sa bénédiction sur la tête de notre enfant. Il m’a envoyé dans une contrée où il reste beaucoup à faire, et il m’a jugé digne d’être là, avant le temps de la moisson. Couper du riz, c’est quelque chose, mais couper le riz qu’on a planté, c’est tout. Ce n’est pas le salaire qui fait grand le travailleur, c’est le travail, père du salaire, qui grandit son âme ! Je lui ai encore dit : Dieu nous a donné un enfant qui, un jour s’écriera : savez-vous que je suis son fils ! Et alors, dans le pays on le saluera avec amour ; il y en aura qui lui mettront leur main sur la tête et lui répondront : partage notre repas ! Demeure chez nous ! Prends ta part de ce que nous avons, et cela à cause de ton père que nous avons connu !