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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/147

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témoin que je serais juste et clément, que je rendrais la justice sans crainte et sans haine, que je serais un bon sous-préfet, moi, aussi je désire faire ce qui est mon devoir.

Chefs de Lebac, c’est notre désir à tous.

Mais s’il s’en trouve un, parmi nous qui néglige son devoir pour quelque profit, qui vende la justice pour de l’argent, ou qui prenne le buffle du pauvre, ou les fruits de ceux qui ont faim… qui le punira, celui-là ?

Si nous le savions, nous l’empêcherions d’agir ainsi ; et le Prince-Régent ne souffrirait pas qu’il arrivât pareille chose dans sa régence. Moi-même, je m’y opposerais de toutes mes forces, là où je le pourrais. Mais si vous, si le Prince-Régent, si moi, nous n’en savons rien !…

Chefs de Lebac, qui rendra la justice à Bantan-Kidoul, dans un cas comme celui-là ?

Ecoutez moi et vous l’apprendrez.

Il viendra un temps où nos femmes et nos enfants pleureront, en apprêtant notre linceul ; en ce temps là, le passant dira : il y a un mort, dans cette maison.

Et il ira porter la nouvelle de notre mort dans son village ; et quand son hôte lui demandera :

— Qui est donc mort ?

Le voyageur répondra :

— C’était un homme juste et bon. Il rendait la justice et ne chassait pas le malheureux qui venait se plaindre à sa porte. Il écoutait patiemment les plaintes et tâchait de faire retrouver ce qu’on avait perdu. Et celui qui ne pouvait faire aller sa charrue dans la terre, faute d’un buffle qui lui avait été enlevé, il l’aidait à retrouver son buffle. Et si une