Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/202

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cas là, je me serais aussi adressé à la jeune fille, et cela m’eut, sans doute, occupé, distrait, amusé… les enfants ont toujours quelque chose d’original dans leur manière de parler… quoique, après tout, je fusse encore trop enfant, moi-même, pour m’intéresser à l’originalité d’un être quelconque !… Aujourd’hui, il n’en est plus ainsi. J’étudie, à présent, chaque fille de treize ans, comme j’étudierais un manuscrit, écrit sans, ou avec très peu de ratures. Surprendre un auteur, dans son négligé du matin, c’est souvent curieux et plaisant.

La jeune fille faisait un collier, au moyen de perles qu’elle enfilait les unes après les autres. Elle prêtait toute son attention à cette grave affaire. Vous comprenez… trois perles rouges, puis une noire !… trois autres rouges… une autre noire !… et ainsi de suite. C’était superbe ! Elle s’appelait : Si Oepi Keteh. À Sumatra, cela signifie : la petite demoiselle. Vous, Dipanon, vous le savez.. mais Declari a toujours servi, à Java, lui. Elle s’appelait donc Si Oepi Keteh, mais dans mon for-intérieur je la nommais : pauvre petite bête !… ou pauvre chatte ! tant je la croyais d’une essence inférieure à la mienne ! Le jour s’enfuit ; la nuit tomba ; adieu, les perles ! La terre glissa et disparut peu à peu, à notre droite ; et le géant des montagnes, l’Ophir, se rapetissa de plus en plus, derrière nous. À notre gauche, au dessus de l’immense et vaste mer qui s’étend jusqu’à Madagascar, et qui mouille les côtes de l’Afrique, le soleil descendit, et rafraîchit ses rayons dans ses eaux profondes.

— Diantre ! la belle chose !

— Quelle chose ? le soleil ?

— Non pas.