Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/206

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de ce qui me la gagna, le jour où elle me jeta… non… pardon… où elle me laissa ce mouchoir, marqué à son chiffre E… et brodé de ses armes.

— Oui, le jour, où elle n’avait pas encore conquis le droit de s’enrhumer à son aise ! fit Tine malicieusement.

— Tine, ne me taquine pas, je t’en supplie. Je veux dire seulement que le soir on est plus sentimental.

Donc, le soleil disparaissant, j’étais devenu meilleur ; et comme première preuve de cette amélioration, je me mis à dire à la petite demoiselle :

— Il va faire très frais, tout à l’heure !

— Oui, monsieur ! me répondit-elle. J’abaissai encore plus ma grandeur, et j’entrai sérieusement en conversation avec cette pauvre petite créature. J’avais d’autant plus de mérite qu’elle ne me répondait que par monosyllabes. J’avais donc toujours raison. À la longue c’est peu drôle, et peu amusant, fût-on le cuistre le plus pédant, parmi les cuistres et les pédants.

— Cela te plairait-il de retourner à Taloh-Baleh : lui demandai-je.

— Comme monsieur l’ordonnera.

— Non, je te demande si un voyage comme celui-là te ferait plaisir, te serait agréable ?

— Si mon père le désire ! répondit-elle. Voyons, messieurs, franchement, n’y avait-il pas de quoi devenir enragé ? Le soleil venait de se coucher, et je me sentais assez bien disposé pour ne pas me laisser rebuter par tant de stupidité.

Je crois, plutôt, que je commençais à prendre plaisir à entendre ma voix. Entre nous, il n’y a pas d’homme qui ne s’écoute parler volontiers. Puis, en