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venir à bout d’une affaire, qui est pour moi d’une grande importance.

Ne croirait-on pas qu’il s’agit d’une commande pour la vente du printemps ?

» À la suite de diverses circonstances, je me trouve, pour le moment, tant soit peu à court d’argent.

Tant soit peu ! Pas de linge ? Il appelle ça : tant soit peu !

» Je ne puis donner à ma chère femme tous les agréments de la vie ; de plus, l’éducation de mes enfants n’est pas telle que je la voudrais, vu l’état de mes finances.

— Agréments de la vie ? Éducation des enfants ? ah ! ça ! veut-il louer une loge à l’Opéra pour sa femme ? Compte-t-il mettre ses enfants dans un collège, à Genève ? On était alors en automne… il faisait un froid de loup, et il logeait dans un grenier sans feu. J’ignorais cela, lors de la réception de sa lettre, mais plus tard j’allai chez lui, et aujourd’hui encore, je suis vexé du ton cavalier de son épître. Que diantre ! Que le pauvre dise qu’il est pauvre ! Il faut qu’il y en ait, des pauvres ! C’est nécessaire, dans la société. Pourvu qu’ils ne demandent pas l’aumône et qu’ils n’ennuient personne, je ne m’oppose pas à ce qu’il y en ait. Mais, se faire une réclame parce qu’on est dans la misère !… c’est de l’outrecuidance. Voyons la suite de la lettre :

» Puisque le devoir m’incombe de subvenir aux besoins de tous les miens, j’ai résolu de mettre à profit un talent que la nature m’a accordé. Je suis poète…

Pouah ! Vous savez, lecteur, ce que moi et tous les gens raisonnables pensent de ça !

» … et écrivain. Depuis mon enfance j’expri-