Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/72

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fouets, courts et gros, sautillaient, à qui mieux mieux, à droite et à gauche de la voiture, criaient, hurlaient grouillaient d’une manière effroyable, et excitaient les quatre chevaux, à coups de fouet sous le ventre. De cette façon on cahotait de nouveau quelque temps jusqu’à ce que l’on eût l’ennui de s’embourber derechef, dans la fange, par delà les axes des roues. Alors recommençait l’appel au secours ; on attendait le sauvetage ; puis… on se remettait en marche, de plus belle.

Souvent, en passant sur cette route, je me prenais à penser qu’il pourrait bien nous arriver d’y rencontrer, dans une fondrière, un convoi de voyageurs enfoncés dans la boue et oubliés depuis le siècle dernier. Mais jusqu’à présent je n’ai pas eu cette chance. Ainsi, je suppose que tous ceux qui ont passé par ce chemin ont abordé, enfin, au lieu de leur destination. On se tromperait, en se figurant, qu’à Java toutes les grandes routes sont taillées sur le modèle de celle de Lebac. La chaussée, proprement dite, grâce aux nombreuses ramifications que le Maréchal Daendels a fait construire à grand sacrifice d’hommes, est réellement un travail gigantesque ; et l’on admire l’énergie de cet homme, qui, malgré les difficultés que ses envieux et ses ennemis amassèrent contre lui dans la mère-patrie, osa braver la mauvaise volonté de la population, et le mécontentement des chefs indigènes, pour fonder une œuvre qui excite et mérite encore aujourd’hui l’étonnement de tous les voyageurs.

Aussi, il n’est pas en Europe de poste aux chevaux, égale à celle de Java. Il ne s’en trouve ni en Angleterre, ni en Russie, ni en Hongrie. Par dessus les crêtes élevées des montagnes, le long des abîmes, qui vous donnent le vertige, la voiture de voyage,