Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
66
TÄSHHORN

giles éclats de glace dévaler en glissant au bas de cette pente unie comme verre. En dépit de cette blessure, il lui fallut continuer à tailler une bonne demi-heure encore — une demi-heure qui me parut interminable — car j’entendais devant moi des gémissements et, derrière moi, des plaintes et des sanglots intermittents. Andenmatten surtout avait l’air d’être en si mauvais état qu’il semblait devoir s’évanouir d’un moment à l’autre ; contingence qui apportait à la défense de la Teufelsgrat le meilleur de ses atouts.

Toute avance sur la pente de glace parait désormais barrée par un contrefort infranchissable, d’un roc noir et poli, sorte de racine d’une puissante dent qui domine l’arête à grande hauteur au dessus de nous. Burgener se trouve donc forcé de continuer son travail sur la droite, et de se diriger vers le haut par la cheminée ou couloir de roc dont la dent est flanquée. À cela on peut évidemment objecter que cette cheminée nous conduit à l’arête sur le mauvais côté de la grande dent, mais, comme notre guide-chef nous le fait remarquer, « Es giebt keinen anderen Weg ! » « Il n’y a pas d autre chemin ! » Une escalade assez difficile le porte dans le couloir. Quand il a pu trouver une place solide, je grimpe et je puis m’arrimer dans une petite fente remplie de glace. Il prend alors mon piolet, le perche pour moi dans le couloir, et, après un autoritaire « Vous, restez là, » il continue son chemin. Pierres et éclats de glace sifflent bientôt, suivis, quelques minutes après, par une plaque de glace qui balaye tout et fait sauter mon piolet ; en un instant ce soutien chéri a disparu dans l’espace. À la fin la corde se tend ; obéissant à l’ordre « Venez », j’escalade des rochers verglassés, ou masqués par la neige, jusqu’à une grosse marche taillée dans une glace plus