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TÄSHHORN

barre l’arête ; nous l’escaladons ou plutôt nous tournons un peu autour et nous trouvons un recoin sûr où nous nous, asseyons pendant que Burgener se décorde pour aller explorer plus loin. Il est bientôt caché à nos yeux par un rocher, et, pendant un moment, toutes les nouvelles que nous avons de lui viennent du bruit incessant des pierres qu’il détache. À la fin nous le voyons réapparaître, mais sans le moindre brio dans ses mouvements et avec une physionomie sérieuse. Pour toute réponse à nos questions il dit : « Herr Mommerie, c’est tout à fait impossible. » Pendant notre repos forcé nous avions eu le temps d’étudier à fond le mur de roc qui coupait notre accès à l’arête. Un optimiste de la cordée avait même dit : « Vraiment si Burgener ne parvenait pas à escalader cette pente, ce serait pitoyable. »

Prenant la corde de nouveau, le grand homme de notre caravane, s’élance à l’assaut. Avec grand soin il place sa main, bien fixée dans une fente ; mais, au dessus comme de chaque côté, aussi loin qu’il peut atteindre, tout ce qu’il touche part, me couvrant d’une averse de schistes en poussière. J’appuie ma tête à la falaise, mais c’est là un maigre abri contre les éclats aiguisés et les feuillets d’ardoise qui volent sur moi ; et quand enfin j’entends l’ordre « Venez, » mes doigts et mes bras sont en partie hors d’usage, mes yeux sont devenus un réceptacle de toutes les choses assez petites pour y entrer. Mais le plus difficile reste à faire : comment ferai-je pour monter sans tuer tous ceux qui sont au dessous de moi, ou, ce qui semble beaucoup plus probable, sans faire partir tout le placage entier qui recouvre la muraille. Chaque fois qu’une pierre se détache celles qui sont au dessus suivent, balayant tout, en une véritable avalanche, tellement que Burgener prend peur et me crie : « Vous allez tuer votre