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LA TEUFELSGRAT

glacier de Kien, et pointes et interstices étant garnis de glace. Pourtant on peut trouver quelques prises sur l’extrême tranchant de la corniche ; après avoir dégagé de glace les diverses fractures ou irrégularités du roc, mon mari arrive à un endroit qui domine immédiatement une crevasse profonde coupant l’arête en corniche de celle qui n’en a pas. Au-delà de ce point l’appui confortable de la corde put nous être donné. Quiconque s’y fût fié, il est vrai, se serait immédiatement vu nager en liberté dans l’air, et l’on peut se demander, comme dans le conte d’enfant, « si tous les chevaux du roi et tous les hommes du roi » auraient suffi à replacer sur l’arête ce pendu aérien. Une recherche minutieuse vint heureusement nous révéler dans le rocher une petite encoche à laquelle on pouvait confier une corde ; bien qu’il fût certain qu’une corde souvent secouée y échapperait, il était non moins évident que bien fixée elle se maintiendrait dans cette position tant qu’une secousse parfaitement appropriée ne lui serait pas donnée. Ce fut pourtant d’un ton peu assuré que partirent ces mots : « Mettez la corde et je vais essayer. » Auxquels Burgener répondit : « Herr Jesus, es muss gehen sonst sind wir aile caput » « Jésus, mon Dieu ! il faut que ça marche sans quoi nous sommes tous fichus. » La corde étant bien fixée à une pointe de roc au sommet de la corniche, l’autre partie fut envoyée en bas et notre chef la força dans la petite encoche. Après l’avoir tendue soigneusement afin d’éviter toute brusque glissade quand son poids s’y pendrait, nous le voyons se suspendre dans l’espace et disparaître. Un moment après nous apprenons sa bonne arrivée, « Ça va bien, il y a de bonnes prises tout le long ».

À la fin il vient en vue, traversant l’abîme béant, et nous le voyons attaquer le rocher au delà et grimper avec