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LE GRÉPON

prise une fois et qu’il avait l’intention de nous faire suivre ; pour moi je remarquai qu’aucune ne valait celle que nous suivîmes soigneusement sous la conduite du berger, et pour la première fois, nous atteignîmes le Glacier des Nantillons, sans avoir senti le besoin d’émettre un sérieux juron. Nous cachâmes nos lanternes sous une pierre et nous attaquâmes le glacier au moment où la lumière douce du matin silhouettait les rudes calcaires de Sixt.

À cet endroit, Gaspard se complut en réflexions vraiment déprimantes. Il nous raconta qu’il était allé récemment sur les Charmoz et que, par une divination tout à fait prophétique, il y avait passé son temps à examiner la fameuse dalle située sur notre route. Cette dalle, il avait pu s’en rendre compte, était garnie de verglas, et les plus ingénieuses défenses de neige, de rocher, et de glace avaient été habilement accumulées sur le sommet ; en résumé, c’était simplement courir à notre défaite que de continuer notre tentative. Il nous parut pourtant que ces défenses compliquées n’étaient qu’un simple produit de l’imagination du guide, et provenaient peut-être en bonne part du désir de n’avoir pas à porter au C P un sac un peu lourd. Nous poursuivons donc ; mais en atteignant le haut des rochers, connus sous le nom de « salle à manger », Gaspard nous donne de nouveaux détails ; cette même dalle était tombée, parait-il, s’écrasant sur le glacier plusieurs années auparavant, et laissant un mur nu, sans une brisure, qu’il serait inutile d’essayer d’ascensionner par aucun moyen. Nous fûmes réduits au silence par pareille accumulation de difficultés ; non seulement la dalle était infranchissable en raison de l’amoncellement de la glace, mais elle n’existait même plus. Cette argumentation nous remit en mémoire la célèbre