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LE GRÉPON

Le vent hurle le long de l’arête avec une telle furie que nous ne pouvons que nous blottir sous des pierres et que bientôt nous nous déterminons à descendre vers des quartiers plus chauds. Nous dégringolons du sommet et une fois arrivés sous le vent nous déjeunons en nous réjouissant de notre victoire. Pasteur, qui précédemment s’était trouvé sur ce côté de la montagne, prend maintenant la tête. Il engage une corde de secours dans un piton laissé par M. Dunod, et tous nous glissons rapidement jusqu’à une large corniche. Quand je dis tous, je dois pourtant en excepter Hastings, qui malheureusement insère son pied dans une fissure tentatrice, d’où aucun effort ne semblait devoir le retirer. Toutes les mains pèsent sur la corde mais c’est en pure perte, et il est à, craindre — à part qu’il n’y a pas de vautour — qu’il ne devienne un rival de Prométhée. Quelqu’un lui conseille à la fin de quitter son brodequin. L’idée est saluée de nos approbations et tous nous donnons immédiatement notre avis en criant et hurlant. C’est pourtant un problème assez complexe que de délacer et d’enlever un brodequin qui vous gêne, lorsqu’on est supporté sur une dalle abrupte, pour ne pas dire perpendiculaire, d’un seul pied engagé dans une crevasse à quelques trente centimètres-au dessous. La tâche n’en est pas moins accomplie ; mais alors une seconde difficulté se dresse : qu’en fera-t-on de ce brodequin ? On découvre heureusement une poche assez large pour contenir l’objet, et nous voici bientôt en sécurité sur l’arête.

Une courte ascension par une cheminée aisée nous conduit à la brèche entre le pic Balfour et le sommet. À partir de là des corniches faciles nous amènent plus bas à la fissure C P. Nos porteurs nous accueillent avec des cris et nous descendent une corde pour nous aider. Nous