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LA DENT DU REQUIN

retire dans la tanière de son choix, et, pensant aux pauvres malheureux entassés dans d’étouffants hôtels, nous dormons bientôt le sommeil du juste.

À 2h. mat. environ, Hastings me tire d’un repos rafraîchissant, et nous envoyons dans la nuit une série de hurlements variés dans le but d’éveiller Slingsby et Collie, qui sont cachés dans certains trous éloignés et invisibles. À la fin ils émergent de l’obscurité ; alors drapés dans nos sacs de nuit nous pensons à manger notre déjeuner. Mais un déjeuner à 2 h. 30 mat., lorsqu’on n’est pas en bonnes conditions, ne peut être qu’un repas infructueux. Il faut être très et soigneusement entraîné pour, à cette heure matinale, arriver à pouvoir manger trois œufs douteux et à les trouver bons. Tout en buvant notre thé chaud, Slingsby et moi donnons à nos compagnons de nouveaux et intéressants détails sur l’Aiguille du Plan, Collie coupe de temps à autre notre dissertation par une démonstration, sans réplique possible, de l’infériorité des Alpes, au point de vue de l’escalade pure, sur les Skye et autres districts écossais[1].

À 3 h : 10 mat., nous partons par la moraine, conduits par Collie, qui avait reconnu cette partie de la route l’après-midi précédente. Nous traversons alors une langue horizontale de glacier nous dirigeant vers le pied de pentes plus rapides. Là nous trouvons la glace juste sous l’angle où l’on peut avancer sans tailler des marches. Plus d’une fois je m’attendis à effectuer une glissade involontaire jusqu’au bas ; mais, comme le reste de la caravane paraissait très satisfait, je cachai mes difficultés ; je prétendis même que je l’aimais, cette pente. Nous atteignons enfin

  1. Il y a dans l’Ile de Skye de courtes mais brillantes escalades, très goûtées des alpinistes anglais. (Voyez Alpine Journal, XIII, pp. 265, 433 ; XV, p. 422.) — M. P.