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L’AIGUILLE DU PLAN

sur les traces que nous avions suivies dans notre route au Requin une quinzaine auparavant. Bien qu’il soit déjà 5 h. soir, telle est l’endurance que deux semaines de travaux alpins ont mise dans nos muscles que nous espérons encore atteindre le Montenvers. À notre retour du Requin nous avions pris dix heures pour regagner ce « home » des grimpeurs fidèles, dix heures sur lesquelles nous n’avions pas fait plus d’une heure de haltes volontaires. En l’occasion présente, sensiblement moins de quatre heures nous suffisent pour atteindre cette retraite bienvenue, et à 8 h. 50 soir quatre voyageurs affamés demandent instamment à M. Simond de leur fournir un dîner expéditif et substantiel. Nos prières reçoivent, il n’est pas besoin de le dire, la plus cordiale attention et de nombreux amis se joignent à notre caravane. À une heure matinale, un alpiniste, en tenue de combat, et tout prêt à accomplir des prouesses, tomba au milieu de notre festin. Il s’attendait à trouver la lumière douteuse d’une petite chandelle et la triste solitude d’une salle déserte, et voici qu’à son grand étonnement il rencontre une large assemblée, illuminée de nombreuses lampes, et, éparpillés tout autour, des anges, je veux dire des garçons, voltigeant à droite et à gauche. Sur le moment il fut complètement ahuri, et crut qu’il avait dormi un jour entier, juste pour arriver à temps à la table d’hôte. Finalement nous lui expliquâmes la chose en lui faisant remarquer avec plus ou moins de justesse que nous dînions pour la veille alors que lui déjeunait pour le lendemain.