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L’AIGUILLE VERTE

neige et d’eau. Le plancher de ce couloir était à environ 3m,50 plus bas que le reste de la pente, et en dessous les chutes de débris avaient bâti un cône exactement à l’endroit voulu. Le mur de glace surplombant se trouvait pratiquement réduit, de par cet arrangement, à une hauteur de 3 mètres environ, que Burgener décida pouvoir être escaladée. Il me fait promptement une bonne marche sur le sommet du cône et taille quelques prises pour les mains dans le mur opposé. En atteignant le cône, je trouve qu’il est coupé de la falaise par une échancrure d’environ 1m,20. M’étendant au dessus, je place mes mains dans les trous creusés pour cet usage, et forme ainsi une façon de pont plus ou moins sûr. Burgener entreprend alors de grimper sur moi pour s’établir sur mes épaules. Il ne me sembla pas se méfier un instant de la stabilité de notre pyramide humaine et fut ainsi très lent à tailler les marches nécessaires. Les clous des bottes de Burgener étaient si durs, la glace était si froide à mes doigts, et le travail du piolet si interminable qu’il parut à mon imagination désordonnée que l’éternité tout entière s’écoulait.

À la fin, trois marches en dessous de la lèvre et une autre au dessus, avec toutes les prises nécessaires pour les mains, sont dûment complétées ; Burgener m’ordonne alors de tenir ferme, il prend un demi-élan, escalade les marches, parvient au dessus de la lèvre de la crevasse et arrive ainsi sur la pente. Je fus bientôt tellement criblé par les morceaux de glace détachés par son piolet que je descendis du cône pour attendre jusqu’à ce qu’il eût besoin de moi. Le fond du couloir était exceptionnellement dur et ce ne fut presque pas avant vingt minutes que la corde se tendit et que Burgener me dit qu’il était prêt. L’ascension de la lèvre ne fut pas facile mais une fois au dessus un véritable escalier me conduisit près de lui. Le couloir