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L’AIGUILLE VERTE

le faire ressembler à une taille de femme à la mode. La série la plus avancée de ces rochers est séparée de la masse principale par une étroite cheminée, en partie verglassée, et tellement à pic que toute chute de pierres passerait par dessus la tête du grimpeur qui la suivrait. C’est cette cheminée que nous entreprenons de descendre, et après une ou deux dégringolades assez ardues, nous atteignons la large pente qui gît entre les parties inférieures de deux puissants contreforts formant les parois du grand couloir. Nous trouvons la pente recouverte d’une neige compacte et durement gelée, et nous avançons gaiement, taillant de petites marches, jusqu’à ce que, à 4 h. soir, je me trouve arrêté par une terrifiante rimaye.

Burgener, qui est à, 18 mètres au-dessus de moi, me conseille de couper droit jusqu’au bord même de la crevasse, afin de voir si, avec les débris du piolet brisé et une corde de rappel usée, nous serons capables de battre l’ennemi. Quand j’arrive à l extrême bord de la falaise, je la trouve surplombant à un point tel que je n’en puis tirer d’autre information utile, sinon qu’aucune corde en notre possession n’en pourra atteindre le fond. Burgener, avec son esprit fertile en ressources, se taille une large marche et m’ordonne de me raidir pour lui permettre de me tenir penché aussi loin qu’il sera nécessaire pour me rendre compte s’il sera possible de trouver facilement quelque méthode capable de nous faire contourner l’obstacle. À l’exception de quelques séracs loin sur ma droite et touchant presque le grand promontoire, le mur de glace n’avait pas une fêlure ; à gauche, un cap de glace cachait tout à la vue. Après ces observations, je crie à Burgener de me relever et nous considérons ce qu’il nous reste à faire. Les séracs sur la droite peuvent bien être atteints par une traversée prolongée, mais, avec un