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L’AIGUILLE VERTE

projette fort avant dans ce glacier. Ce contrefort devait nous conduire à l’arête, à un point situé immédiatement sur la droite, ou sur le côté de la Verte, de la tour connue au Montenvers comme le « Pain de Sucre ». Nous étions tellement sûrs que c’était là la vraie route d’ascension que nous étions très étonnés qu’aucun des guides ni des voyageurs qui hantent la Mer de Glace n’eût encore pris cette route d’une évidence si certaine, mais nous attribuions cela à ce manque d’initiative qui devient rapidement la note caractéristique des guides alpins et de leur Monsieur perpétuellement encordé. Nous ne pensions pas que, enterrée dans un ancien numéro de l’Alpine Journal, se trouvait une description complète d’une ascension faite par cette même arête vingt-neuf ans plus tôt[1]. Il est assez curieux de constater que MM. Hudson, Kennedy et Hodgkinson ne se soient pas rendu compte des nombreux avantages de leur escalade, et qu’ils aient conseillé aux voyageurs futurs de donner la préférence à la route sans intérêt et balayée par les pierres que M. Whymper suivit dans la première ascension. La confraternité montagnarde accepta cet avis erroné, et pendant trente ans les grimpeurs ont fatigué leurs muscles et exposé leur crâne sur cette face Sud, plus longue, moins intéressante et beaucoup plus dangereuse. Puisque le souvenir de l’ascension de Hudson est si complètement mort, et puisque le paysage et les vues de l’arête sont tout ce que l’enthousiasme le plus affiné peut désirer de mieux, on me pardonnera peut-être de relater ici nos faits et gestes, bien qu’ils constituent une redite.

Immédiatement à notre arrivée au Montenvers l’an dernier, nous engageons un porteur, et de bonne heure le lendemain matin nous secouons nos jambes encore crispées

  1. Voyez la note des pages 184-5 — M. P.