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UN PETIT COL

serions-nous encore enveloppés dans les joies du soleil, du ciel et du plein air, si une soif intense n’était pas venue allumer en nous son feu consumant. Emportés malgré nous par ce démon, nous luttons corps à corps avec les quelques obstacles qui restent. Nulle part ils ne deviennent sérieux, sauf en deux ou trois endroits ou quelques jolis petits problèmes dans l’art de grimper le rocher se présentent à nous pour que nous leur donnions une solution. À la fin, les neiges supérieures du Glacier des Courtes se haussent à notre niveau, et nous traversons d’un bon pas leur surface amollie par le soleil, jusqu’à ce qu’enfin nous atteignions le Col de Triolet (10 h. 30 mat.).

Nous découvrons une petite cuvette d’une eau délicieuse, formée dans un léger berceau entre le névé et l’arête rocheuse du col ; immédiatement les sacs, et tout ce qui nous embarrasse, sont écartés, et nous buvons à notre soif avec la pleine jouissance d’hommes altérés. Hastings, comme d’habitude, extrait de son sac un luxe inimaginable de provisions et nous procédons aux joies d’un vrai banquet officiel avec un appétit et une puissance de digestion plus qu’officielle. À la fin de ce festin, qui, naturellement, a lieu sur le bord de notre lac, nous nous rendons sur le côté italien du col, où nous nous abritons du vent et nous réchauffons aux pleins rayons du soleil.

Le sommeil eut vite fait de se nicher dans la caravane, et ce ne fut pas avant 11 h. 40 mat. que le rigide sentiment du devoir nous fit descendre les rochers. Une ou deux rimayes ne nous donnent pas beaucoup de mal, mais la crevasse finale, qui sépare du champ de neige principal cette baie du glacier, se trouve être de la plus formidable espèce. Nous n’avons qu’une seule circonstance pour nous consoler, c’est qu’il n’est possible d’en tenter le passage qu’à un seul endroit ; les allées et