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CHAPITRE XII


LE DYCH TAU[1]


Bien que le grimpeur fidèle soit dans son essence même un homme tout à fait domestiqué et que rarement il s’écarte de son domaine, les Alpes, parfois pourtant un esprit inquiet met sa griffe sur lui et le jette en avant vers des régions plus lointaines. J’avais été pris d’une crise semblable de divagation physique, et les premiers jours de juillet 1888 me trouvèrent campé sur la rive droite du Glacier de Bezingi, où, dans l’air frais des champs de neige, sur les pentes blanches de rhododendrons[2], au milieu du silence des pics vierges, je pouvais enfin me reposer du cliquetis et du grondement des trains, du bruit des buffets et de la persécution des douanes.

Mon seul compagnon était Heinrich Zurfluh, de Meiringen. Une expérience de dix jours de continuel voyage, et particulièrement de deux jours et demi sur les selles

  1. Le Koshtantau de la Carte russe dite de 5 verstes (1/210.000"), de la litterature alpine anglaise antérieure et des cartes françaises actuelles. C’est la première ascension de ce pic qui est racontée dans le présent chapitre ; elle eut lieu le 24 juillet 1888. Voyez en outre Proceedings of the Royal, Geographical Sociely, XI, p. 351-9 et Explorations of the Caucasus, par Freslifield et Sella, 2 vol. grand in-8 magnifiquement illustrés, London 1896. Ce dernier ouvrage résume toutes les notions topographiques et bibliographiques sur l’exploration actuelle du Caucase. — M. P.
  2. La variété caucasique de cet arbuste, Rhododendron ponticum, est ordinairement à fleur jaune : il en existe une variété à fleur blanc pur, comme du reste du R. hirsutum et du R. ferrugineum ; cette dernière, rare dans nos Alpes françaises, existe pourtant aux environs d’Embrun. — M. P.