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QUELQUES COLS CAUCASIENS

lement sérieux. Rochers verglassés, pentes pourries de pierres maintenues ensemble par un ciment de glace et de neige, se trouvent alternés par des dalles en forte pente qui mettent à l’épreuve à son plus haut degré l’habileté de mon guide chef. En approchant de l’arête nous atteignons une pente de glace, que nous avons beaucoup de peine à remonter et où nous perdons beaucoup de temps.

Une large corniche surplombait le glacier au Nord-Est de l’arête, et ce fut avec une crainte respectueuse que je me mis, soigneusement tenu par Zurtluh qui se trouvait assez bas sur l’autre pente, à avancer jusque sur la crête elle-même, dans le but d’obtenir quelques renseignements sur ce qui nous environnait et sur ce que devenait notre arête. Ma position était superbe ; à travers un gros trou dans la corniche je pouvais voir en bas, à plus de 1.000 mètres, le vaste glacier lisse dont j’ai déjà parlé, pendant que de chaque côté les arêtes géantes s’étendaient loin de moi jusqu’à la région des arbres et des hauts pâturages. Très loin au Sud deux cônes de neige, un large cône avec un plus petit à gauche, ne pouvaient être autres que l’Ararat lui-même. Jamais peut-être je n’ai regardé à travers un air plus limpide, jamais il ne m’a été donné de distinguer si nettement chaque repli de terrain, chaque contrefort faisant plier et replier les blanches lignes d’écume qui marquaient les torrents allant se précipiter dans les vallées profondes au dessous de moi.

Mais Zurfluh, qui n’est pas très enclin à apprécier les plaisirs d’un beau paysage, et qui d’autre part ne voulait pas se rendre compte de l’extrême solidité de la corniche, congelée au point de rivaliser avec la ténacité du fer, Zurfluh me pressait d’examiner rapidement la route à suivre et de revenir de mon perchoir aérien. Suivre