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LE COL DE LEKSUR

corniche avec la plus grande facilité ; là il essaye d’arrêter sa dernière chute en tendant ses courroies sur le rocher comme de longues tentacules sinueuses ; mais je vois avec horreur que ses efforts sont infructueux, et au milieu des hurlements lamentables de Zurfluh notre tente, notre coucher, nos soupes disparaissent par dessus la falaise. Tout l’ennui que comportait sa perte fut chez moi temporairement contrebalancé par la ravissante facilité de mouvement que j’avais ainsi obtenue. Le Tartare, lui, complètement indifférent aux tentes, couchers ou autres luxes occidentaux, sourit avec approbation, et je compris à divers gestes et remarques qu’il ne craignait plus pour moi désormais les sombres horreurs de ce monde inférieur où sont relégués les infidèles, et qu’il lui était agréable de penser qu’une chance de plus me restait d’embrasser les enseignements du vrai Prophète pour m’endormir ensuite pendant l’éternité dans les délices données en récompense aux Croyants.

Zurfluh, je dois le dire, ne parut pas s’apercevoir des difficultés ; malgré un énorme paquet empilé sur son dos, il descendit dans le style le plus brillant et le plus accompli qu’il soit possible de, voir. Le désir de conclure en tirant la morale de l’histoire ne fut pas pour rien sans doute dans la gracieuse facilité de ses mouvements. En effet, à son arrivée sur notre corniche, il se répandit en termes brillants sur les facilités et les commodités de la grande route par laquelle nous étions descendus.

En atteignant la crête du glacier nous rencontrons un enchevêtrement, vrai labyrinthe de crevasses. Pendant que Zurfluh étudie leurs particularités, je fais un court détour pour découvrir si le sac est visible quelque part. À ma grande joie je l’aperçois bientôt, situé sur le haut d’un sérac isolé. Mon compagnon, ignorant ce que je viens d’apercevoir,