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DE L’ALPINISME

profonds et insondables mystères qui confondent l’imagination. C’est en effet un incident qui n’est pas du tout nécessaire, et un de ceux qui, peut-être, n’arrivent pas si fréquemment qu’un vain peuple imagine. Une fois seulement je me suis trouvé près de tomber dans une crevasse, mais à cette occasion, comme je n’étais pas à la corde, je fus d’avis d’abandonner tout le plaisir que pourrait m’apporter semblable visite.

Une crevasse, excepté après la neige fraîche, est toujours visible pour quiconque se donne la peine de chercher ; et même si le guide ne fait pas attention et qu’il brise la croûte qui la recouvrait, la corde doit, si on en use avec rapidité et habileté, l’empêcher de tomber plus bas que la ceinture.

C’est un fait curieux que, depuis les premiers temps de l’alpinisme, deux guides, renvoyés après avoir passé un col, aient toujours l’habitude de rentrer chez eux sans personne avec eux. Autant que je sache, aucun accident de crevasse ne leur est arrivé. Si l’on remarque que des champs de glace, aussi immenses et aussi crevassés que ceux que traversent les routes du Col du Géant, du Mönch Joch, du Weiss Thor, du Col d’Hérens et de la Brèche de la Meije, sont parmi ceux qui sont habituellement franchis par deux guides seuls, on s’apercevra que le danger pour de semblables expéditions n existe pas du tout ou presque pas du moins. Si de pareilles caravanes étaient exposées au danger auquel nous faisons allusion, ce serait une sorte de crime de faire passer à deux hommes un col de glacier et de les renvoyer dans des conditions qui, pratiquement, comportent leur traversée à deux à la corde. Permettre aux guides de courir un risque auquel leur employeur n’aura pas à faire face est, au bas mot, contraire à toutes les traditions des Anglais