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L’ARÊRTE DE ZMUTT

poussée était destinée à accompagner une respectueuse appréciation de mon étonnante prédiction. Je me libère des couvertures humides. Un rayon perce les nuages et nous saluons le retour du disque du jour avec des hurlements à remplir les oreilles, et des sauts aussi vigoureux que nous le permettent les plaques de clous de nos brodequins. Notre conduite en cette circonstance eût sans aucun doute suggéré à un critique compétent que nous étions de pieux sectateurs de Zoroastre (ou encore des fous échappés). Cette explosion de joie nous ayant épuisés, nous fîmes le sac et, après nous être approprié les couvertures du refuge, nous partîmes pour le rendez-vous fixé à Gentinetta.

À l’extrême coin Nord-Ouest du grand promontoire sur lequel s’appuie le Glacier du Cervin, il y a un plateau pierreux, duquel la glace s’est depuis longtemps retirée. Nous espérions y découvrir comme abri quelque anfractuosité parmi les débris de rocs dont il est parsemé. Nous nous y dirigeons lentement. À notre arrivée, nous voyons qu’il y a absence totale d’abri commode et sommes obligés de nous contenter, pour toute protection, de celle que peut offrir la face d’un gros rocher. Près de nous se profile la grande falaise du glacier, coupant presque toute vue de notre montagne. À sa droite, et hors d’atteinte des blocs qui s’en peuvent détacher, il y a une longue arête de roc conduisant à la crête de neige. Après avoir allumé notre feu et mis l’eau à bouillir nous nous asseyons près de la falaise qui surplombe le Glacier de Zmutt ; bientôt nous découvrons Gentinetta et un autre homme traçant rapidement leur itinéraire à travers les crevasses. Pendant ce temps le soleil s’était couché et avec l’ombre croissante les dernières traînées de nuages s’étaient dispersées magiquement. À huit heures environ les guides