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LE COL DU LION

donné l’idée. Pourtant, pendant que nous faisions le procès d’une bouteille de Champagne, la première partie puis une autre portion du couloir furent déclarées praticables ; sur ces entrefaites Burgener ayant rendu une visite finale, et prolongée, à la gourde d’eau-de-vie — pour obvier aux mauvais effets que pouvait causer dans la machine humaine le trop pétillant champagne — Burgener décida que, le « Es geht gewiss » « ça ira certainement » prononcé, premièrement, il serait possible de pénétrer dans le couloir par le bas, et, secondement, il serait possible d’en sortir par le haut.

Il était vrai que le couloir présentait aux deux tiers de l’ascension une partie d’un aspect des plus rebutants, là où quelques rocs à pic coupaient le large ruban de la neige et laissaient de part et d’autre deux étroites cheminées garnies de glace noire à travers lesquelles le grimpeur aurait à forcer sa route. Mais il y avait encore une autre sérieuse objection, c’était que, si nous nous trouvions barrés près du col, il deviendrait très dangereux de reprendre nos traces, car le couloir était certainement balayé par d’importunes chutes de pierres aussitôt que le soleil atteignait les grandes faces rocheuses du Cervin ou de la Tête du Lion et fondait le verglas qui seul maintenait les débris en position. Cette dernière objection fut, pourtant, promptement abandonnée, car elle devenait en réalité une raison de plus pour ne pas battre en retraite. Une fois dans le couloir nous devions, quelques difficultés qu’il s’y trouvât, poursuivre jusqu’au sommet. En définitive, nous nous déterminons à descendre à Zermatt pour y faire les préparatifs nécessaires en vue d’un assaut pour le lendemain.

À notre arrivée, Burgener apprit que deux récentes additions à sa famille venaient de mourir, si bien que