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LE COL DU LION

ciences sont à la hauteur de l’occasion, pas une crainte, pas un remords n’affecte leur sérénité : nous saisissons la corde et nous partons.

Sur ces entrefaites, il était presque 1 h. mat., nous nous mîmes à remonter la vallée aussi vite que possible. La nuit était très noire et lorsque nous arrivâmes sur le bas du glacier recouvert de pierres morainiques, ce ne fut pas sans difficulté que nous pûmes distinguer les crevasses. À chaque va-et-vient nécessité par une fissure plus large, il devenait nécessaire d’allumer une allumette-tison, et, dans les rares occasions où le vent ne la soufflait pas nous parvenions triomphalement à passer la difficulté. D’autres fois, quand le gaspillage des allumettes fut devenu excessif, nous mîmes à l’épreuve notre foi chrétienne et nous sautâmes avec l’assurance que nous prendrions pied quelque part. Traversant, et laissant là les moraines pour la glace pure, nous parvenons à voir un peu mieux et faisons des progrès relativement rapides qui nous conduisent au petit glacier venu de la direction de l’arête de neige du Cervin. À sa base se trouvaient une ou deux formidables crevasses, mes compagnons firent alors halte alléguant comme prétexte que nous aurions encore pendant la journée d’aussi bonnes occasions de mal finir et qu’il était totalement inutile de commencer par celles qui se trouvaient sous la main.

Nous trouvons une table de pierre et, sortant nos provisions, nous nous mettons à déjeuner. Puis nous nous racontons de vieilles histoires d’escalades jusqu’à ce que la lumière encore faible de l’Orient soit devenue un rayon ardent qui illumine le haut des montagnes d’une irradiation étrange et supra-terrestre, rendue doublement brillante par la sombre nuit qui s’attarde en dessous dans la vallée profonde. Nous avions repris notre ascen-