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LE COL DU LION

cendu le couloir, courant le risque des chutes de pierres, affrontant même les horreurs de cette hideuse pente de glace et de sa fine couche de neige déjà amollie par les chauds rayons d’un soleil de midi, n’eût été la croyance absolue, confirmée par certaines assertions antérieures de mon brave compagnon, qu’effectuer cette retraite était impossible et nous conduirait à une perte certaine. Pénétré de cette idée, je pensai que la meilleure chose était de faire appel à notre courage, de repousser avec indignation l’idée de la retraite, de crier « vorwarts » « en avant », en renforçant mes paroles d’allusions aux pouvoirs surnaturels, dans la mesure où ma connaissance limitée du patois de Saas pourrait les rendre effectives. J’appelai encore à mon aide d’autres esprits, tirés des « vastes profondeurs » de ma gourde, et l’attaque commença.

La glace est trop mince ; elle ne nous permettra pas de faire des marches assez larges pour nous laisser changer de pied. Burgener adopte alors l’expédient d’entailler une corniche continue le long de laquelle on pourra s’évader, grâce à un supplément de prises entaillées au dessus pour les mains. Cette manœuvre comportait un énorme travail. Une main devait être rivée à la prise supérieure pendant que l’autre maniait le piolet. Avant que Burgener eût accompli la moitié de sa traversée, il fut obligé de revenir sur ses pas pour se reposer et pour ramener, avec la chaleur, le sentiment dans sa main gauche glacée par la crispation constante des doigts sur la glace. Une courte halte et il retourne à l’attaque, mais après cinq minutes, il est obligé de revenir de nouveau, et, avec un air de mélancolie, il me montre son poignet droit enflé par l’effort de la taille des marches d’une seule main. Heureusement notre corniche est presque complétée ; il avance