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L’HISTOIRE PAR LE THÉATRE.

intimité réelle, tout en se déchirant l’un l’autre, et en saisissant toute occasion de se jouer.de mauvais tours. Mieux vaut se dire vous, et s’aimer.

Il va sans dire que les succès littéraires de Thomas étaient aussi chers à Ducis que les siens propres. Mais il n’était pas besoin d’un degré d’amitié si intime pour que cet homme excellent s’intéressât de tout son cœur aux œuvres de ses confrères. Le caractère peu bienveillant de La Harpe, si disposé à la critique âpre et dure, ne devait pas être plus sympathique à Ducis qu’il ne l’était généralement : il y avait bien peu d’affinité entre deux hommes d’une nature si différente. Pourtant, en parlant du Menzikoff de La Harpe, joué avec un succès médiocre, Ducis se montre tout contrarié des défauts qui ont nui aux qualités de l’ouvrage. « Si M. de La Harpe avait eu affaire à moi, » écrit-il, « il n’aurait certainement pas donné sa pièce en cet état ; » et il ajoute : « J’ai fait de mon mieux à la représentation. » Il en dit autant pour l’Homme personnel, comédie de Barthe, qui avait, comme Menzikoff, faiblement réussi : « Je m’étais placé au parterre : j’ai fait de mon mieux. » Trouvez donc beaucoup d’auteurs qui aillent se placer au parterre ou ailleurs, pour applaudir et soutenir les pièces de leurs confrères !

La grande affaire des prix décennaux institués sous l’Empire, fournit à Ducis une occasion de manifester bien fortement l’abnégation qui lui faisait refuser, loin de le rechercher, tout avantage qu’on lui aurait offert au préjudice d’un autre. Quand l’Institut fut appelé, en 1810, à désigner dans chaque genre les œuvres les plus dignes d’être couronnées, quelques membres demandèrent que le nom de Ducis fût placé en tête de la